Le cinéaste taïwanais de La Rivière et de …t là-bas, quelle heure est-il ? évoque son rapport à la pornographie et à la comédie musicale.
Comment vous est venue l’idée de ce film ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En 99, j’ai quitté Taïwan où l’on reprochait beaucoup à mes films leur aspect sombre et dérangeant pour revenir à Kuala Lumpur. A ce moment, j’ai dit comme une boutade que, pour survivre, j’allais tourner un film porno. Mais j’ai réalisé que, si je tournais un film porno avec mon équipe d’acteurs habituels, alors je ferais d’eux des acteurs porno. C’est ce qui m’a donné l’idée qu’un acteur traditionnel soit obligé, dans des conditions extrêmes, de tourner des films X. Le cinéma porno fait du corps une marchandise. Aujourd’hui, cette logique de consommation est poussée à l’extrême. Je me suis donc posé la question : « Quand on vend son corps, quelle valeur peut-on garder à l’intérieur de soi ? » Peut-on continuer à croire en l’amour ? A l’arrivée, La Saveur de la pastèque est selon moi clairement un film d’amour. J’ai imaginé un homme, devenu acteur porno par la force des choses, qui arrive à séparer le sexe des sentiments, mais la femme qui est amoureuse de lui a beaucoup plus de mal à accepter cette séparation…
Quel est votre rapport au cinéma porno ?
Comme la plupart des gens, quand j’en regarde, je cherche à être excité. Cela dit, au cours de la préparation de ce film, j’ai vu beaucoup de pornos pour essayer de comprendre ce qui pouvait se cacher derrière ces images. Et un plan m’a particulièrement marqué : un très gros plan du sexe humide d’une femme, qu’un homme cherche à exciter avec un coton-tige. Je regardais cette image au bureau, un assistant est passé, et le gros plan était si rapproché qu’il ne comprenait pas de quoi il s’agissait. Finalement, on ne voyait qu’un morceau de chair. Je me suis donc demandé : « Pourquoi y a-t-il autant de tabou autour de ce morceau de chair ? Pourquoi tant de désir aussi ? » A priori, c’est une partie du corps au même titre que les autres…
Et votre rapport à la comédie musicale ?
J’aime beaucoup les comédies musicales américaines des années 50 avec Fred Astaire et Ginger Rogers. Et puis aussi les comédies musicales de Hong-Kong des années 60, qui étaient des imitations des américaines. Et plus particulièrement les films d’opéra traditionnels chinois. Dans le film, j’ai voulu que les scènes de comédie musicale viennent troubler le récit, qu’elles arrivent brutalement, comme pour rappeler au spectateur qu’il est dans une salle de cinéma, et que quand on montre les coulisses d’un tournage de film porno, même ça, c’est du cinéma, et pas la réalité.
{"type":"Banniere-Basse"}