En interrogeant les ressorts de l’engagement et de la compassion, Milo Rau apporte sa pierre à la question des réfugiés en Europe, entre accueil et rejet.
Pour sa deuxième édition, le festival Programme commun, qui réunit quatre théâtres de Lausanne – Vidy, Arsenic, Sévelin 36 et la Manufacture –, a choisi un mot d’ordre réjouissant : “Union libre – Oui engagez-vous librement”. Et c’est bien d’engagement qu’il est question dans le dernier opus du metteur en scène suisse Milo Rau, Compassion – L’histoire de la mitraillette.
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Deux actrices sont sur scène. L’une, Consolate Sipérius, ouvre et clôt le spectacle en témoignant de son histoire personnelle. D’origine burundaise, elle a été témoin d’un génocide avant d’être adoptée, enfant, par une famille belge. Milo Rau l’a découverte en assistant à une mise en scène d’Antigone où elle jouait cette figure de la tragédie grecque à qui l’on interdit d’enterrer sa famille.
Ses prises de parole sont brèves en comparaison du récit d’Ursina Lardi, comédienne de la Schaubühne de Berlin, qui construit son personnage à partir de plusieurs témoignages de femmes travaillant pour des ONG.
Critique de la compassion
Sans doute ce choix de mise en scène, ce déséquilibre patent entre la parole de la victime et celle qui s’engage par compassion découle-t-il de ce constat liminaire de Milo Rau : “Ces derniers mois, le destin des réfugiés s’est emparé de toute l’Europe. Il n’y a presque aucun intellectuel, aucune personnalité politique qui ne se soit montré solidaire avec la misère des femmes et des hommes du Proche-Orient ou d’Afrique. (…) Pourquoi un mort aux portes de l’Europe pèse-t-il plus lourd que 1 000 morts dans la région de la guerre civile au Congo ?”
Le malaise provoqué par cette comparaison est à la source de la dialectique mise en place dans le spectacle, opposant la compassion, sa nécessité et la critique de ce sentiment, à la violence : “Cette femme qui travaille en Afrique pour des ONG raconte ce qu’elle fait et tente d’expliquer ses raisons, puis elle comprend que le ressort de cette action, c’est la culpabilité, analyse Milo Rau. Implicitement, la pièce montre cette prise de conscience selon le mythe d’Œdipe : celui qui vient aider comprend qu’il est de ceux qui ont apporté la peste.” D’où la nécessité de son engagement.
Compassion – L’histoire de la mitraillette texte et mise en scène Milo Rau, les 18 et 19 mars au Théâtre de Vidy, Lausanne (Suisse), dans le cadre du festival Programme commun, du 10 au 20 mars, programme-commun.ch
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