Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, a accueilli du 1er au 6 mars le festival Afro Bass Culture. Une première édition qui entend promouvoir l’électro aux côtés des musiques traditionnelles, fortes en ce pays.
Il est presque 19 heures, la nuit tombe sur Ouagadougou. A la gare TSR, l’une des plus fréquentées de la capitale du Burkina Faso, un petit camion en bois clair et métal noir déploie ses ailes au milieu du va-et-vient des bus nationaux. Le hayon tombe pour laisser place à des platines et enceintes, le toit se soulève pour que s’élèvent les projecteurs de lumières. Puis une heure durant, le son électro d’un DJ se mélange au battement d’un djembé.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’affiche du festival
Le festival Africa Bass Culture vient de démarrer. L’événement, qui s’est déroulé du 1er au 6 mars dans la capitale burkinabè, est la première rencontre dédiée aux musiques digitales du pays. Gare routière, chemin de fer accolé au stade de foot, maison des jeunes et de la culture ou encore bars branchés, les performances sillonnent la ville d’un lieu à un autre, interpellant tantôt des passants incrédules, tantôt les oreilles d’un public averti.
“Une autre couleur”
A la gare TSR, les voyageurs s’arrêtent un moment, observent et écoutent. Un passant, venu voir un ami vendeur de rue non loin, s’est approché, curieux de ce son inhabituel. Il connaît bien le djembé, moins l’électro, mais apprécie “cette sensation qui monte dans le ventre”. “Une musique moderne qui donne une autre couleur”
“La gare TRS est l’une des plus mouvementées et en même temps des plus populaires de la ville, explique Camille Louvel, co-organisateur du festival. Avec ce concert, on a voulu placer un événement imprévu dans le parcours des voyageurs.” Ce Français installé depuis treize ans à Ouagadougou, fondateur du studio Ouaga Jungle, a été approché l’an dernier par les Nantais du label Trickart, venus en repérage avec l’idée de créer un projet en Afrique. La rencontre a été porteuse. Sans oublier que le Burkina Faso a ses propres atouts : une forte culture musicale et un terrain en friche pour les musiques digitales.
“Il y a énormément de talents ici mais une vraie fracture numérique, explique Camille Louvel, ancien gérant d’un café concert de la ville. A Ouagadougou, il y a au moins 3 000 gars capables de faire un couplet, des musiciens qui maîtrisent jusqu’à 15 instruments, mais seulement 4 ou 5 beatmakers. Ce qu’on veut montrer, c’est que la musique électronique peut s’allier à la musicalité des sons traditionnels d’ici.”
Preuve en est sur scène, avec le musicien Hamidou Coulibaly, un coup au djembé pour accompagner le DJ français Praktika, un coup au tamani (un petit tambour qui se place sous l’épaule) pour composer avec son frère Sekou, au balafon, et Samifati, un autre DJ français.
Les deux frères expliquent avoir vu pour la première fois une table de mixage à cette occasion. Alors qu’ils ont déjà tourné avec des orchestres ou des groupes de jazz, ils trouvent dans la musique digitale un enrichissement particulier. “C’est vraiment créateur car cela nous demande de retravailler nos rythmes”, estiment les deux frères. Et d’ajouter :
“Des joueurs de musique traditionnelle, il y a en beaucoup ici, alors se mélanger avec Samifati et pouvoir faire découvrir quelque chose de nouveau au public, c’est une chance pour nous. C’est une musique moderne qui donne une autre couleur aux sons et les gens aiment ça.”
//
OUAGADOUGOU Recording Session – SAMIFATI rencontre Kantala[NOUVELLE VIDÉO]La semaine dernière à Ouagadougou, on a rencontré le maître Burkinabè de la kora : Kantala AfriK. De cette session studio est né un morceau. Voici un extrait ! :)Il sera joué le 5 et le 11 Mars à l’occasion du Festival Africa Bass Culture.- Vidéo réalisée par Axel Vanlerberghe, BAM –
Posté par SAMIFATI sur mardi 23 février 2016
Fusion et essaimage
Parmi les artistes burkinabè sur scène, quelques précurseurs également, parmi lesquels Joey le Soldat, l’un des premiers du pays à avoir introduit de l’électronique dans sa musique. Produit par un label bordelais, ce rappeur connu internationalement chante dans sa langue natale, le mooré, tout en étant accompagné d’un DJ. Lui qui a trouvé une nouvelle dynamique avec la musique digitale est enthousiasmé à l’idée qu’Africa Bass Culture puisse aider cette culture à s’implanter au Burkina Faso.
Mais pas n’importe comment. “C’est important qu’il y ait une fusion entre les sonorités d’ici et l’électro car on ne ramène pas une nouvelle musique comme cela, estime-t-il. Si elle colle avec nos rythmes, on pourra toucher plus de gens.”
Toucher le public burkinabè va être le plus gros défi de ce festival. Quand Joey le Soldat déverse son flot de paroles dans le quartier populaire d’Hamdalaye, les dizaines de jeunes et habitants du coin sont enthousiastes, les bras levés à chaque refrain ou apostrophe du rappeur.
Les DJ français, eux, réussissent mieux à faire bouger les corps plus tard dans la soirée, quand le festival se déplace vers des bars branchés bien connus des expatriés. Mais la volonté de sensibilisation est là, avec par exemple un atelier jeune public organisé avec une boîte à rythme et un set de mixage simplifié. Et l’objectif est surtout d’essaimer dans le milieu des artistes et techniciens. Pour cela, des moments de créations et ateliers de formation, sur l’animation vidéo ou la musique assistée par ordinateur par exemple, se sont tenus en amont du festival.
Le camion, parti rempli de matériel du Havre et scénographié à Ouagadougou, lui, restera ici. Un volet solidaire qui veut permettre aux musiciens du pays de gagner en autonomie technique et financière. De quoi laisser présager de belles tournées, qu’elles soient digitales ou aux rythmes afro.
{"type":"Banniere-Basse"}