Après une troisième saison en demi-teinte, la série politique de Netflix est de retour avec un quatrième volet brillant. On a bingé-watché les treizes épisodes de House of Cards, hantés par le passé et habités par l’actualité.
Attention, cet article contient des spoilers sur la saison 4 de House of Cards.
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Difficile de ne pas penser à l’actualité américaine en regardant la nouvelle saison de House of Cards. Catapulté président des Etats-Unis après moultes manigances à la fin de la saison 2, l’ex-membre du Congrès et ex vice-président Frank Underwood (Kevin Spacey) est en pleine campagne pour les primaires démocrates américaines. L’enjeu est de taille. Loin de faire l’unanimité dans son bilan, il doit réussir à se faire élire pour asseoir sa légitimité politique, et ne plus être considéré comme un simple président « remplaçant ».
Tout au long de la saison, les grandes figures de l’histoire de l’Amérique sont évoquées. Jefferson, Nixon, Kennedy ou encore Reagan hantent les couloirs de la Maison Blanche foulés par Frank Underwood. Comment devient-on un président dont on se souvient? C’est une question récurrente de cette quatrième saison qui s’ouvre là où le cliffhanger final de la troisième saison nous avait laissés : au coeur du conflit entre Frank Underwood et sa first lady Claire (Robin Wright).
La guerre des Underwood
C’est tout l’objet de la première partie de la saison, clairement découpée en deux. Dans un premier temps on assiste à l’affrontement sanglant et jouissif du président et de sa femme, jusqu’ici un tandem diabolique, qui utilisaient tout leur art de la manigance l’un contre l’autre. Dans un second, plus habituel dans House of Cards, on suit les rebondissements de la campagne électorale et de la fin de mandat Underwood à travers des intrigues machiavéliques, qui ont pris naissance dans les saisons précédentes, et qui viennent, bien sûr, mettre en péril le destin politique du couple présidentiel.
Si Kevin Spacey et sa performance de président déviant occupe toujours une place centrale de la série, ces nouveaux épisodes, qui seront aussi les derniers chapeautés par son showrunner historique Beau Willimon, gagnent beaucoup en faisant la part belle à ses autres personnages. Celui de Robin Wright d’abord, qui, en plus de réaliser quatre épisodes de la saison (les 42, 43, 48 et 49), est plus complexe et entière que jamais. Dans le premier volet de la saison centré sur les Underwood, elle n’est que conflit. Avec elle-même, avec sa mère (incroyable Ellen Burstyn), et bien sûr avec Frank. Prête à tout pour arriver à ses fins et sortir de son rôle de première dame, elle se montre l’adversaire la plus féroce que son mari de président aura eu à affronter.
En 30 ans de vie commune, les Underwood se sont construits ensemble et ont agencé leur ascension commune vers le sommet. Surtout, complices du moindre de leurs méfaits, ils ne sont jamais plus esseulés que lorsqu’ils s’opposent. Chacun étant sans aucune limite, les Underwood finissent par trouver un terrain d’entente, même si c’est finalement « Francis » – comme l’appelle sa femme – qui pliera sous le désir de son épouse d’être sa co-listière pour la présidentielle. Dans les scènes avec sa mère mourante ou son mari fragilisé, elle se montre plus impitoyable que jamais.
Le fantôme errant du passé
Si Neve Campbell, la nouvelle venue au casting qui interprète la directrice de com’ des Underwood, est parfaite de sobriété, tout comme le rival républicain ambigu joué par Joel Kinnaman (The Killing), ce sont surtout les personnages qui viennent du passé tumultueux des Underwood qui sont les plus fascinants.
Lucas Goodwin (Sebastian Arcelus), déterminant dans la saison (en attaquant le président et en déclenchant une enquête sur lui), Tom Hammerschmidt (Boris McGiver) en journaliste qui n’a plus rien à perdre, Jackie Sharp et Remy Danton (Molly Parker et Mahershala Ali – le plus beau couple de House of Cards c’est eux) et bien d’autres: ils viennent donner du sens à certaines intrigues abandonnées des premières saisons. Tous ont servi de marche-pied direct ou non à l’ascension des Underwood par le passé, et se retrouvent aujourd’hui à hanter leur présent.
Le climax de ce retour de bâton du passé se déroule alors que Frank Underwood est entre la vie et la mort (après que Lucas Goodwin lui a tiré dessus lors d’un meeting dans le quatrième et passionnant épisode réalisé par Robin Wright). Victime d’hallucinations, il reçoit la visite d’anciens de la série qui faisaient le piment des débuts, Zoe Barnes (Kate Mara, « disparue » brutalement au début de la saison 2), et Pete Russo (Corey Stoll), qu’il a assassinés sans se retourner dès qu’ils étaient devenus trop encombrants.
Coiffée et habillée comme le personnage de Robin Wright, Kate Mara est troublante et spectrale aux côtés de Corey Stoll dans un cauchemar choréographié. On y sent beaucoup moins de remords moraux qu’une angoisse montante (et prophétique) que ses actions passées ne se retournent contre lui.
« On ne se soumet pas à la terreur, on crée la terreur »
« La vie n’est qu’un fantôme errant » affirme Macbeth hanté par ses spectres. Proche du héros dramatique shakespearien, Frank Underwood version saison 4 observe le spectacle de sa vie défiler dans son état semi-conscient. Une vie animée par une ambition sans limite, qui semble surtout bien vaine. Au nom de quoi Zoé Barnes et Pete Russo sont-ils morts? C’est un éternel retour de la lutte pour le pouvoir qui conclut cette saison, qui signe le retour en force d’House of Cards.
En pleine campagne pour les primaires Frank doit faire face à l’organisation islamiste ICO, qui fait plus que jamais écho à l’actualité. “J’ai peur Claire. » dit-il à sa femme. « Il y a une solution, il y en a toujours une”, lui répond-elle. Frank Underwood n’a bien sûr pas peur des terroristes, il saisit au contraire l’opportunité de cette menace nationale pour redorer son image.
Ce qu’il craint vraiment, c’est son passé, en train de se retourner contre lui avec la publication de l’enquête d’Hammerschmidt qui revient sur les détails les plus troubles de son accession au pouvoir. Comme toujours en fin de saison, l’étau se resserre sur les Underwood. Jusque la déchéance inévitable? L’important ne sera sûrement pas la chute, mais l’atterrissage.
House of Cards, saison 4, 13 épisodes, en ligne sur Netflix France
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