Alors que les producteurs de vins naturels se sont toujours construits contre les labels, la question d’une appellation contrôlée vient d’être posée pour éviter les abus.
Le vin naturel est un breuvage de joie, produit à partir de vignes non traitées aux pesticides et sans sulfites ajoutés avant la mise en bouteille. Grâce à des vignerons de plus en plus doués, de Sébastien Riffault (photo) à Pierre Overnoy, ainsi qu’à des cavistes motivés, des buveurs hédonistes et responsables en ont fait leur premier objet d’ivresse, mettant de côté les vins classiques parfois trop prévisibles.
Faut-il qu’une appellation officielle vienne codifier ces délices ? C’est la question qu’a posée, il y a quelques semaines, le très sérieux Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) en engageant la discussion avec l’AVN (l’Association du vin naturel, composée d’une cinquantaine de vignerons adhérents) pour réfléchir à une réglementation. Le but ? Eviter les abus. Encadrer une pratique dont les contours restent flous et sont même pensés comme tels.
Nommer, c’est aussi faire exister
Un kamoulox en puissance ? Certains vignerons français se trouvent aujourd’hui dans la même situation que des musiciens punk à qui on aurait demandé, en 1978, de reconnaître leur appartenance à un mouvement. Les vins naturels se sont construits contre les règles de la viticulture industrielle et contre les labels, y compris bio. Un blogueur écouté comme Antonin Iommi-Amunategui, auteur du Manifeste pour le vin naturel (L’Epure) s’est exprimé en faveur d’un encadrement, au nom de “conséquences vertueuses” potentielles. Sur le long terme, difficile de lui donner tort.
Nommer, c’est aussi faire exister. Toute mise en avant d’un vin fait selon les critères d’une agriculture raisonnée et d’une intervention humaine délicate semble bonne à prendre. Que la vigne – premier utilisateur de pesticides en France – se place enfin à l’avant-garde d’une lutte environnementale paraît aussi salutaire. On verra peut-être d’ici quelques mois (ou années, le temps que tout le monde se mette d’accord…) apparaître un logo attestant de la naturalité d’un vin, ce qui pourrait le mener vers les supermarchés – même si d’autres problèmes se posent, notamment les niveaux de production.
On imagine alors les ricanements de ceux qui feront tout pour ne pas être récupérés par le système. On attend le vin naturel de contrebande. Et on espère que le seul critère de qualité d’une bouteille aura encore quelque chose à voir avec son goût.