« I wanna be your cobaye ». La star du rock a offert son corps en pâture à l’artiste anglais Jeremy Deller lors d’une séance de pose dans une école d’art.
On a vu surgir sur le compte Instagram de l’artiste anglais Jeremy Deller cette image totalement incongrue : Iggy Pop, entièrement nu, posant toutes jambes ouvertes pour quelques étudiants sur le retour (la moyenne d’âge de ces apprentis artistes aux mines concentrées derrière leur chevalet excédant largement l’âge moyen des diplômés des beaux-arts).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Outre qu’on ne trouve plus beaucoup d’écoles d’art pratiquant ces séances de dessins sur le vif et que l’on connaissait déjà plutôt bien le charme anatomique du torse régulièrement mis à nu du chanteur des Stooges mais beaucoup moins le bas de son corps, le tableau, sorte d’ « Origine du monde » inversée, a de quoi surprendre.
La scène s’est déroulée le dimanche 21 février, dans l’un des ateliers de la New York Academy of Art en présence de 21 artistes âgés de 19 à 80 ans et triés sur le volet par Jeremy Deller. Car c’est à l’artiste anglais (lauréat du fameux Turner Prize en 2004) que l’on doit cette rencontre saugrenue entre le chanteur des Stooges et ce bataillon de peintres du dimanche.
« Le cours de modèle vivant est un endroit spécial, où l’on peut examiner la forme humaine. En tant que socle de l’éducation en art et en histoire de l’art, c’est encore le meilleur moyen de comprendre le corps » a déclaré l’artiste Jeremy Deller (né en 1966), « pour moi, cela fait parfaitement sens qu’Iggy Pop pose pour une classe de modèle vivant ; son corps est un axe central de la compréhension de la musique rock et de sa place dans la culture américaine. C’est un corps qui en a vu de toutes les couleurs et qui mérite d’être documenté« .
Les 21 dessins ou peintures produits suite à cette séance de pose d’un Iggy Pop nu comme un ver, et « véritable gentleman », selon les propos de Jeremy Deller, seront exposées dans le cadre du projet « Iggy Pop Life Class » au Brooklyn Museum, qui promet de faire connaître la date du vernissage d’ici l’été.
Jeremy Deller est l’un des artistes les plus passionnants de la scène anglaise de ces vingt dernières années. Il représenta le Royaume-Uni lors de la Biennale de Venise 2013 avec une relecture mi-fantaisiste, mi-sociale de l’histoire récente de son pays, et s’est d’abord fait connaître par une reconstitution grandeur nature des grèves de mineurs qui secouèrent les années Thatcher (La Bataille d’Orgreave).
Deller est également un habitué de ces percées dans la culture populaire et plus encore dans le champ de la musique. Il faut se souvenir par exemple de son extraordinaire projet consistant à conjuguer la culture des brass band (ou fanfares) d’un côté, celle de l’acid house de l’autre, véritable « socle de la culture populaire anglaise depuis Elvis Presley« , comme l’écrivit notre confrère JD Beauvallet.
Avec « Acid Brass« , un projet qui se déclina de la fin des années 90 jusqu’au milieu des années 2010 et qui donna lieu à des concerts, des performances, la réalisation d’un diagramme et la production d’un disque, Deller cherche à faire coïncider deux traditions au fort coefficient politique, typiques du nord de l’Angleterre.
« Socialement parlant, l’acid house et le brass band sont très proches : ce sont deux formes de musique populaire, l’une du XIXe siècle l’autre du XXe, voire du XXIe siècle. Toutes deux ont des liens étroits avec la culture de la classe ouvrière. En conséquence, ces deux formes musicales sont très liées à la lutte sociale et à la contestation : les brass bands du côté des mouvements syndicalistes, et l’acid house par celui des descentes de police et des opérations anti-drogues » expliquait-il par exemple au critique d’art Christophe Kihm dans la revue Multitudes.
Le projet autour d’Iggy Pop, icône populaire examinée sous toutes les coutures depuis le point de vue des pratiques amateurs mais aussi dans le prisme de l’histoire de l’art, s’inscrit logiquement dans cette continuité.
Quant à celui que l’on surnomme l’Iguane, on devrait le retrouver cet été pour un concert exceptionnel au Palais de Tokyo à l’occasion de l’exposition Michel Houellebecq dont le roman La Possibilité d’une île avait largement influencé son album Préliminaires.
{"type":"Banniere-Basse"}