En débranchant les guitares et en se concentrant sur les textes, Thomas Boulard et ses copains de Luke signent un album de storytelling audacieux.
On sombre parfois facilement dans les clichés, les étiquettes. On serait donc tentés de dire de D’autre part, le quatrième album de Luke en déjà dix ans, qu’il s’agit pour les Français du satané disque de la maturité. Thomas Boulard y semble en effet apaisé : lui qui hier encore hurlait ses maux a de toute évidence décidé de baisser le volume, et de ranger la pédale disto au placard.
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“C’est drôle, ce truc adulte… J’ai pourtant l’impression de m’être beaucoup plus amusé – et ce côté ludique est plutôt enfantin. J’ai essayé d’être plus lumineux, moins plombé. Je pense que je me prenais bien plus au sérieux sur le premier album. Un jeune homme, ça a un ego surdimensionné, ça ne pense qu’à soi… Quand j’ai commencé, j’avais l’impression d’être un grand artiste, j’employais des grands mots de puriste : artiste, chef-d’oeuvre, poésie… A 25 ans, je n’avais aucun don d’observation.”
Il faut reconnaître que les Français ont fait du chemin depuis les refrains romantiques de La Vie presque, premier recueil paru à l’aube du IIIe millénaire. A l’époque, Luke affichait une physionomie différente (des membres du groupe original, seul Thomas Boulard est encore présent) et flirtait avec la popdentelle et les harmonies en lacets d’outre-Manche. Paru trois ans plus tard, La Tête en arrière aura ouvert à Luke les portes d’une autre cour : celle de la FM, du succès et des festivals rock.
Aidé par une poignée de singles assurés (La Sentinelle, Soledad), Luke est ainsi devenu nouvel ambassadeur du rock d’ici, à mi-chemin entre les inévitables Noir Désir et les tranchants Queens Of The Stone Age. De quoi offrir au groupe un plus large public, et un statut de machine à bruit que D’autre part semble aujourd’hui vouloir envoyer valdinguer.
“Pendant la tournée, j’ai eu un gros moment difficile… C’est pas pour faire le mec écrasé par son image, mais je vivais très mal l’image du rockeur qui veut faire du bruit, le côté “on va voir Luke ça envoiedu bois”. Ça m’emmerdait parce que je pense que depuis toujours on a des chansons cachées derrière un habillage rock. Il a fallu que je donne un coup de gouvernail de 90 degrés pour commencer à avoir d’autres méthodes, d’autres manières d’écrire, trouver des personnages. Utiliser des archétypes, des figures ancestrales, le robot, le clown. J’étais tout simplement fatigué de crier, de jouer fort tout le temps.”
Et c’est lorsqu’il évoque les fantômes, robots ou gardiens de prison que Thomas Boulard convainc le plus aujourd’hui. Et rappelle que Luke, bien plus qu’une machine à bruit, est surtout, et depuis les commencements, une machine à textes. Pas de discours politique, ni de leçon de morale pour autant : D’autre part est un recueil, courageux car modeste, de petites chansons inspirées, de portraits au fusain. “Le souci, c’est que la France n’est pas encore sortie de la figure tutélaire de Rimbaud. On tourne en boucle sur l’image du poète maudit. Aujourd’hui, je ne veux plus être poétique, je veux juste raconter des histoires.” A l’exception de quelques contrariétés (Faustine, Monsieur Tout le Monde), ce premier chapitre est prometteur.
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