Pour sa première escapade rock, Lil Wayne, petit prince du rap, se prend les pieds dans le riff. Ouïe ! ça fait mal.
Depuis 2004 et le début de sa trilogie Tha Carter (trois volets, cinq millions de disques vendus), tout ce que touche Lil Wayne se transforme en or ou presque. En roue libre, il s’est donc dit, entre deux splifs et deux dreads : “Tiens si je me faisais un album de rock, avec des guitares et de la basse à papa autour de ma voix vocodée ?”
Annoncé depuis des mois, le disque, après avoir fuité sur le net sous de fausses versions, est enfin disponible dans son intégralité. Et dès la première écoute, il nous rappelle une évidence : en rock, les rappeurs ont toujours un sacré goût de chiotte. Souvenez- vous de Jay-Z traînant ses guêtres avec Linkin Park, de Run-D.M.C. enfilant le moulebite d’Aerosmith, ou encore de la calamiteuse compilation réalisé pour le film Judgement Night, où hormis un morceau cool rassemblant De La Soul et Teenage Fanclub (Fallin’), rappeurs et rockeurs s’annulaient joyeusement. Pour sa toute première tentative rock, Lil Wayne n’aura pas eu plus de chance.
Avec sa voix vocodée, le nouveau pape du hip-hop mondial patine un peu au milieu des riffs. Hormis un morceau d’ouverture un peu sexy et réussi (American Star, qui peut faire penser à Saul Williams dans un bon jour ou à une version 2.0 de Body Count), ça patine grave. Ground Zero ressemble à un mauvais titre de No Doubt, Paradice à une reprise trafiquée de Bryan Adams, Get a Life rappelle du Pete Doherty sous vin blanc et Drop the World – pour lequel on a recruté Eminem – est probablement le plus bel hommage jamais rendu au gros paquet d’Evanescence.
Bref, c’est lourd, épais, ça sent le cuir sorti d’usine, la bière chaude et la grosse gélate à Gégé. Et si en douze titres bâclés (plus deux bonus facultatifs) Lil Wayne ne réussit pas à cramer sa réputation hip-hop, juré craché il se met mal, il se la colle devant tout le monde – alors que personne ne lui avait rien demandé.
Et, devant ces scènes un peu pathétiques, on se rappelle que Michael Jordan, roi du monde du basket avec ses Bulls, fut un très mauvais joueur de base-ball pour le compte des White Sox ; ou que Lester Bangs était peut-être le meilleur critique rock de tous les temps mais qu’il fut aperçu en train de beugler dans Birdland. De toute façon, Lil Wayne devrait rentrer en prison au mois de mars ; tout ça lui laissera le temps de plancher sur le quatrième volet de Tha Carter : et ça sera franchement mieux pour tout le monde. Fini les bêtises, hein ?
Album : Rebirth (Cash Money/Universal/Barclay)