Sortis de l’enfer, les Anglais signent un grand deuxième album
en équilibre parfait entre rage maîtrisée et beauté abyssale.
Il y a d’assez grandes chances pour qu’on se souvienne, assez longtemps, pour toujours sans doute, de notre première écoute de Total Life Forever, deuxième album de nos poulains déjà chéris d’Oxford. C’était à Londres, dans le studio de Nellee Hooper, sur des enceintes balèzes comme des réacteurs d’A380. L’album était encore chaud, à peine terminé, pas intégralement mixé.
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Pas des conditions saines pour se faire un avis journalistique objectif. Il n’a pourtant fallu que quelques secondes, les magnifiques harmonies vocales de son premier titre, Blue Blood, pour qu’on jette l’éthique et la posture du doute a priori aux orties des passions instantanées : le coeur galopait fort et l’âme était en joie. On a d’abord pourtant cru à une erreur de CD. Les angles très aigus, la rage crachée comme un venin, les chansons claquées avec les nerfs tendus jusqu’à la quasirupture du très bon mais assez vite lassant premier album du groupe, Antidotes, avaient presque totalement disparu.
Rien de grave, pourtant, bien au contraire : Foals, laissé exsangue par un enregistrement douloureux en Suède, les radicalités de la maniaquerie absolue de chacun de ses membres – le torturé et étrange Yannis Philippakis plus que tous les autres –, avait fait sa révolution et réussi le miracle des miracles. Soit résister à la tourmente, survivre au second album syndrome et faire mieux, bien mieux : gagner paradoxalement, dans les tensions, dix ans de maturité en un seul album.
Total Life Forever porte ainsi bien son titre : ici, on vit certes vite, très vite, mais on ne meurt pas forcément jeune, et la vie magique qui anime l’album survivra sans doute longtemps à ses auteurs. Sur des morceaux toujours terriblement rageurs mais plus relâchés, beaucoup plus mélodiques, montés sur des pneumatiques plus souples mais pas moins bondissants (la funkoïde Black Gold, la très cool Miami ou After Glow, digne des !!!), construits avec une grâce touchante et un pointillisme impressionnant (les textuellement très fortes This Orient, anguleuse et ronde à la fois, ou Spanish Sahara, chef-d’oeuvre sensible), Foals touche une intensité rendue absolue par l’équilibre qui la porte, entre puissance aux coups de griffes félins et beautés d’une abyssale profondeur.
Dès les premiers maxis, dès les premiers concerts, on savait que ce groupe serait grand. Sincèrement, on n’imaginait pourtant peut-être pas qu’il atteindrait si vite de tels sommets.
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