Ils ne sont pas nés à la bonne époque. Deux bandes de jeunes, fans des fifties, croisent la route du photographe Gilles Elie Cohen dans les années 80. Retour sur l’histoire cette série photo saisissante exposée à la Addict Galerie de Paris du 6 février au 28 mars. Banane, blouson, baston, love et danse Gilles Elie Cohen […]
Ils ne sont pas nés à la bonne époque. Deux bandes de jeunes, fans des fifties, croisent la route du photographe Gilles Elie Cohen dans les années 80. Retour sur l’histoire cette série photo saisissante exposée à la Addict Galerie de Paris du 6 février au 28 mars.
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Banane, blouson, baston, love et danse
Gilles Elie Cohen a 35 ans lorsqu’il rencontre les Vikings. Nous sommes en 1982. À ce moment-là, le photographe qui a commencé à dégainer l’appareil en 1974, cherche un sujet galvanisant. Ou du moins authentique.
Parti dans l’intention de faire un reportage sur les paysages de banlieues, une bande de gamins aux allures fifties attire son attention sur un terrain vague de la Villette, dans le nord de Paris. « Je les ai croisés un peu par hasard. C’était des supers personnages. J’ai rapidement vu l’opportunité de faire un reportage sur eux. Finalement, ça a tout de suite collé entre nous. La photographie rentrait vraiment dans les idées fantasmatiques des années 50. Mieux, ça s’incorporait dans le look », nous confie Gilles Elie Cohen.
Leur nom, ils le doivent au groupe Del Vikings, première horde de rockeurs des années 50 à compter dans leur groupe des blancs et des noirs. L’histoire est en marche. Le photographe les suivra pendant plusieurs mois, « peut-être même un an » se souvient-t-il vaguement. Au cours de cette aventure, il rencontre aussi les Panthers, une bande de potes, pour la plupart d’origine antillaise, qui empruntent leur nom à leur homonyme américain.
Grâce à leur goût effréné pour le Rockabilly, les bagarres, les filles, les fêtes et la culture américaine, cet art de vivre donne lieu à une série de photos vintages captivantes. Et bien que l’oreille de Gilles Elie Cohen soit moins sensible au rock qu’à l’écoute d’un opéra ou d’un morceau de jazz, l’homme est fasciné par la photo américaine des années 50. « Intentionnellement simple comme une chanson de rock », il met tout en œuvre pour que ses images gardent cet esprit fifties sans qu’elles ne soient forcément « le reflet d’un mimétisme absolu de la réalité ». Flash direct, plan serré, film de basse sensibilité : les mises en scène de Gilles Elie Cohen capturent un voyage dans l’espace-temps.
Vingt ans… puis trente ans plus tard
Vingt ans plus tard, celui qui admire les clichés de Weegee ou encore le style de Diane Arbus retrouve certains de ses modèles de 82. De ces vagues retrouvailles, il réalise un reportage diffusé sur Arte. Il s’intitule Rock contre la montre. Dès les premières minutes, il raconte son histoire et nous apporte de plus amples détails sur ces individus en plein revival fifties. « Cette bande d’adolescents de banlieue fit la conquête de la ville. […] Les Del Vikings me présentèrent aux panthères noires. Les panthères noires avaient formé une bande pour se défendre. Dans le milieu rock, ils étaient devenus la cible d’une bande raciste. »
Paris dans les années 80-90 était aussi synonyme de la montée d’une mouvance xénophobe (Boneheads, etc.). On peut considérer les Black Panthers comme précurseurs de la vague antifasciste et de chasseurs de skins néo-nazis, apparue au milieu des années 80. On se souvient des Black Dragons, des Red Warriors ou encore des Ducky Boys qui arpentaient les rues parisiennes à la recherche des bandes d’extrême droite. Derrière l’ambiance naïve et insouciante, Gilles Elie Cohen commence à se rendre compte de la violence de certaines altercations avec des bandes rivales. « Les conversations se taisaient quand je m’approchais, je venais de moins en moins aux rendez-vous et, d’ailleurs, il y avait de moins en moins de rendez-vous. Je les perdais de vue. »
Malgré le triste destin de certains d’entre eux, Gilles retiendra le meilleur de cette expérience. Bananes à la Elvis, peignes, blousons de cuirs et vieilles bagnoles : il immortalise sur pellicule la jeunesse marginale avec laquelle il s’était lié d’amitié. Le photographe a tiré sa révérence dans les années 90 et vit aujourd’hui à Amsterdam. Il publie un livre photo en 2014 aux éditions Serious Publishing.
Lorsque nous lui parlons de son art, il hésite à le qualifier ainsi. Il n’est « pas peintre », nous assure-t-il. Nous lui rétorquons alors que Man Ray, qui avait la double vocation, avait pris soin de dire que « le peintre est généralement plus fier de son art que le photographe du sien, et c’est un tort pour le photographe ».
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