Qui de mieux pour réaliser le film des Révélations pour les César 2015 que Mathieu César ? Photographe autodidacte de 27 ans dont les stars et la haute couture s’arrachent les clichés en noir & blanc, pris au Leica, tout simplement. Rencontre. “Lorsque l’Académie des César m’a contacté pour me proposer une carte blanche de trois […]
Qui de mieux pour réaliser le film des Révélations pour les César 2015 que Mathieu César ? Photographe autodidacte de 27 ans dont les stars et la haute couture s’arrachent les clichés en noir & blanc, pris au Leica, tout simplement. Rencontre.
« Lorsque l’Académie des César m’a contacté pour me proposer une carte blanche de trois minutes pour le film des révélations, j’ai tout de suite accepté. Sauf que je ne m’attendais pas à ce que soit aussi hardcore niveau timing : trente deux acteurs à diriger, créer un univers différent pour chacun, le tout en deux jours. On a tout fait, de la musique aux costumes, aux ambiances…Mais bon, je suis content du résultat. C’est une sorte de petit tribut au cinéma, et aux réalisateurs que j’aime bien, comme Kubrick ou Jacques Demy ». Voilà comment démarre la conversation avec Mathieu César, sourire aux lèvres, t-shirt blanc à la Brando et pantalon chino beige retroussé.
Ce n’est pas la première fois qu’il enfile le costume de réalisateur. Il lui a même permis de commencer sa carrière de photographe. Il y a quatre ans, il tourne un court-métrage sur son frère danseur étoile à l’Opéra de Paris. D’abord repéré par MK2 qui lui rachète son film, il est ensuite contacté par Louis Vuitton pour réaliser des vidéos. Lors d’une séance photo, il se met à shooter avec son Leica. « Je me suis dit que j’avais pris beaucoup plus de plaisir à faire des photos. C’était plus moi, j’étais à l’aise avec un appareil à la main ». Pendant un an il prend des photos sans arrêt, pour se « faire un book présentable ». En 2011, il est exposé à la très chic Galerie Joyce, dans la cour du Palais Royal. Son travail est salué par la presse anglo-saxonne, notamment l’ultra branché journal de tendances Dazed and Confused. Vogue UK le classe dans les dix talents à suivre de près. A partir de là, Chanel puis Saint-Laurent le contactent. C’est la consécration. Sa carrière de photographe est lancée.
Sauce César
Ni école de photo ni stage dans une agence. « Au début j’ai demandé des conseils à droite à gauche, notamment sur des petites choses techniques mais tout le reste j’ai appris sur le terrain, dans l’urgence. J’improvisais ». Mathieu César entame sa carrière de photographe seul, poussé par son talent naturel à apprivoiser, manier, exploiter la lumière. « Ma plus grande alliée ». Pour lui, dans le monde de la photo, la technique est un détail. Le plus important c’est la lumière car c’est grâce à elle que l’on développe un univers. Le sien tient en quelques mots : robots, voitures, espace et belles femmes.
Le noir et blanc c’est sa marque de fabrique. « J’adore l’intemporalité. Quand tu regardes mes photos, tu sais pas si elles ont été prises il y a cinq ans ou dix ans. Et tous les photographes que j’admire sont des mecs qui font ou qui faisaient du noir et blanc comme Auguste Sander, Peter Lindberg ou Paolo Reversi ». Du noir et banc il aime aussi le côté artisanal c’est-à-dire le fait qu’il faille jouer avec la lumière pour faire une photo réussie, contrairement à aujourd’hui où n’importe qui « peut faire des pures photos juste avec un 5D ». En vrai puriste il explique : » J’adore le mot « photographie ». Photo signifie « qui utilise la lumière » en grec et graphie c’est « qui dessine ». En gros, photographier veut dire dessiner avec la lumière. Et moi c’est ce qui me plait le plus, dessiner avec la lumière ». D’ailleurs, aussi souvent que possible, Mathieu César organise des shootings en dehors des studios photo. L’extérieur, et surtout la campagne, c’est là qu’il s’amuse le plus avec la lumière et qu’il restitue le mieux son univers. Et la couleur dans tout ça ? Réponse lapidaire : « pas pour le moment. » Ok.
La mode la mode la mode
Depuis que la carrière du jeune photographe a littéralement explosé en 2012, il travaille beaucoup pour les grands couturiers et la presse féminine : lorsqu’il ne photographie pas Natalia Vodianova pour Guerlain, il s’occupe de Nathalie Portman pour Elle. Loin d’être un fashionista invétéré, Mathieu César s’est tourné naturellement vers les grandes maisons « parce qu’elles ont toujours une histoire, un héritage, une identité forte et un savoir-faire. Comme la maison Thierry Mugler par exemple, qui a un univers et une identité visuelle très dark et oniriques et moi, même si j’aime bien les choses classiques, ce genre d’univers m’attire ».
Ceux qui connaissent un peu le personnage intègrent très vite son irrépressible attirance pour les (très) belles femmes. Cliché ? Pas exactement, car Mathieu César aime d’abord les mannequins pour leur côté malléable et leur aisance avec l’objectif. « C’est comme de actrices, elle savent se mettre dans un rôle. Depuis deux ans j’ai photographié les dix plus gros top models mais ce qui m’intéresse c’est de me mettre un challenge et de les amener dans un univers complètement différent du leur. Comme un acteur qui mettrait une cruche dans un polar intello ».
La belle vie
Il aurait facilement pu être un « petit con » et pourtant c’est tout le contraire. Timoré lorsqu’il s’agit de parler de lui ou de son travail, il accorde peu d’interviews à la presse. « C’est comme si j’étais magicien, que je faisais un tour et que je dévoilais tout le truc. Je préfère laisse libre court à l’interprétation, chacun voit ce qu’il veut ». Si Mathieu César était un mantra ce serait « Fais ce qui te plait ». Si Mathieu César était une ville, ce serait Los Angeles. « L.A c’est un petite usine à rêves. Là bas, tout est possible, c’est comme dans les films ».
Lorsque le célèbre magazine Egoïste lui réserve sa quatrième de couv (numéro sorti en kiosques le 22 janvier), il est « hyper flatté » et trouve ça « plus qu’important, c’est importantissime ». Pour autant, il reste humble et n’oublie pas qu’il a commencé comme sapeur pompier dans sa Picardie natale, avant de se lancer dans un CAP coiffure qu’il n’a jamais eu. « La coiffure c’est hyper dur. Ca m’a appris le métier de service. Aujourd ‘hui, c’est toujours ce que je fais sauf que maintenant c’est un métier de service trois étoiles ! ».
Le blog de Mathieu César : http://mathieucesar.com
Mathilde Samama