Pour son premier anniversaire, cinq correspondants de presse étrangers font sa fête à Hollande. Leurs analyses ne sont pas un cadeau.
À l’avant-garde des libertés ? (Miguel Mora, correspondant du quotidien espagnol El País)
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“En Espagne, on a beaucoup de mal à comprendre comment le mariage gay a pu déclencher de telles protestations et devenir le sujet central de la vie politique française durant plusieurs mois. Chez nous, le mariage homosexuel a été légalisé en 2005, il y a eu quelques manifestations mais c’était bon enfant. Rien à voir avec la France, qui est pourtant, sur le papier, un pays laïc et beaucoup moins catholique. Dans les débats parlementaires, Christiane Taubira a paru à la hauteur mais, dans la rue, le pouvoir socialiste n’a pas réprimé assez durement les manifestations d’homophobie. En Espagne, on perçoit toujours la France comme le pays à l’avant-garde des libertés publiques et nous avons été très déçus.”
Politique étrangère : la déception (Zheng Ruolin, correspondant du quotidien de Shangai Wen Hui Bao)
« François Hollande a déçu en matière de politique étrangère. C’est le seul chef d’Etat d’une grande puissance mondiale qui a attendu un an pour poser le pied sur le sol chinois. Pendant dix mois, il n’a pas prononcé un mot sur la Chine alors que c’est la deuxième puissance économique au monde. Quand on sait que la France a impérieusement besoin d’exporter, c’est curieux de constater que François Hollande ait mis tant de temps à s’intéresser au pays qui dispose de la plus grande capacité d’investissement au monde. Il avait promis de rompre avec la politique étrangère de son prédécesseur et il fait quasiment pareil. Le président Hollande a adopté la même posture atlantiste et le même regard sur le Proche-Orient. Le seul point positif de ce bilan concerne l’Afrique. Il n’a pas reproduit l’erreur du discours de Dakar et tente de rompre avec la Françafrique. Quant à l’intervention au Mali, c’est une réussite militaire, même s’il faudra observer prudemment les résultats de cette opération sur le long terme.”
Zheng Ruolin est l’auteur de Les Chinois sont des hommes comme les autres (Denoël)
La crise économique sous-estimée (Sophie Pedder, chef du bureau parisien du magazine britannique, The Economist)
“La déception que François Hollande suscite aujourd’hui est le résultat de sa campagne. Il n’a pas du tout préparé les esprits à la crise économique qu’il serait contraint d’affronter. Il a essayé de faire passer l’idée qu’il parviendrait à obtenir un budget à l’équilibre en faisant peser les efforts sur les classes aisées. Il a de toute évidence sous-estimé la situation. Il faut cependant reconnaître qu’en matière de consolidation budgétaire, il va plus loin que Nicolas Sarkozy, qui a laissé filer les déficits et la dette. Mais François Hollande peine à s’imposer dans le débat européen face à l’Allemagne. Quand il parle, il n’est pas entendu car la France se retrouve dans une situation économique très affaiblie. Sans réformes structurelles dans son propre pays, la France ne parviendra pas à impulser une nouvelle politique économique européenne.”
Sophie Pedder est l’auteur de Le Déni français (JC Lattès)
Un manque de réactivité et de charisme (Giampiero Martinotti, correspondant du quotidien italien La Repubblica)
“Seuls 26 % des Français se déclarent satisfaits de l’action de François Hollande, les bras nous en tombent. Tous les doutes de départ sur son manque de charisme, d’autorité ou d’expérience semblent se confirmer. C’est un politicien de la IIIe République, un homme qui avance par compromis et qui cherche surtout à ne mécontenter personne. Je crois qu’il s’est trompé de rythme et d’époque. L’instauration du quinquennat, la démocratie d’opinion, imposent un autre rythme. Sa réaction dans l’affaire Cahuzac est en cela assez symbolique. Il a répondu qu’il fallait “donner du temps au temps”, vieil adage mitterrandien qui ne semble pas adapté à cette période de crise. Hollande est également prisonnier du style présidentiel de Sarkozy. C’était un hypercommunicant qui avait compris l’accélération du temps médiatique, même si ses réactions étaient souvent brouillonnes. On ne peut pas imputer la responsabilité de la crise à François Hollande, mais il donne l’impression de ne pas avoir de ligne directrice à son action. Son problème est celui de la social-démocratie européenne qui ne dispose d’aucun remède face à la politique d’austérité.”
Trop de compromis ambigus (Steven Erlanger, chef du bureau parisien du quotidien américain The New York Times)
“Le grand problème de François Hollande, c’est son manque d’autorité. Il n’a pas la stature d’un chef d’Etat pour le moment. C’est un homme qui, tout au long de sa vie politique, est passé maître dans l’art du compromis ambigu, mais ce qui marchait à la tête du Parti socialiste ne marche plus lorsqu’il est à la tête de la nation. En période de crise, les Français attendent une forme de “roi républicain”, un leader qui prend des décisions difficiles, qui tient un langage de vérité et donne un cap au pays. François Hollande peine à adopter cette posture car ce n’est pas dans sa personnalité et, surtout, ça le contraindrait à affronter l’aile gauche du Parti socialiste. Une épreuve qu’il redoute, alors que l’équipe gouvernementale donne déjà l’impression de manquer de cohésion.”
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