Faire du rap après 30 ans ? Rocé répond, brillamment, par la positive.
« Dans la rue j’ai confondu l’être humain et le réverbère/ Comme le réverbère il éclaire juste sa rue, ne se déplace plus/Il est juste pilier rigide dans les cités livides où la lumière ne passe plus… » A chaque nouvel album de Rocé, on se dit qu’il serait sensé que les prix littéraires intègrent à leur sélection certains disques de rap hexagonal. Il faut dire que, sous ses airs discutables de champion sortant de sa retraite pour inculquer de nobles valeurs à ses pairs, le bonhomme s’affirme depuis bientôt quinze ans comme l’un des lyricists les plus prestes de son temps.
L’Etre humain & le Réverbère enfonce la plume en douze pistes qui, si elles s’abreuvent à la sécheresse old-school de Top départ (son premier effort) plutôt qu’à la pugnacité free-jazz d’Identité en crescendo (magistral deuxième opus où défilaient Archie Shepp, Gonzales et Antoine Paganotti), n’en sont pas moins des brulôts de premier choix, cousus de beats secs et étoffés d’instrumentations léchées. Eloge du doute (Des questions à vos réponses), angoisse urbaine (Mon crâne sur le paillasson), racisme ordinaire (Les Singes, relecture grinçante de Brel), choisissez le sujet, Rocé les maîtrise tous.