Contraction d’avant-dernier -parce que le nom a été imaginé dans les coulisses du pénultième concert de la tournée du rappeur-, Avnier est la marque de mode qu’Orelsan développe avec le designer suisse – ex semi-pro de BMX – Sébastian Strappazon. L’occasion de passer au crible les influences et inspirations style du rappeur, de Kurt Cobain […]
Contraction d’avant-dernier -parce que le nom a été imaginé dans les coulisses du pénultième concert de la tournée du rappeur-, Avnier est la marque de mode qu’Orelsan développe avec le designer suisse – ex semi-pro de BMX – Sébastian Strappazon. L’occasion de passer au crible les influences et inspirations style du rappeur, de Kurt Cobain à Lil Wayne, en passant par Idris Elba et M.I.A
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La deuxième capsule d’Avnier vient de sortir, mais vous préparez une vraie collection pour le prochain automne-hiver, c’était important de rentrer dans le système de la mode ?
Oui, on veut pouvoir parler à d’autres gens que ceux d’Internet et avoir une boutique. C’est dans notre culture, on aime les magasins. Séb en possède un en Suisse, moi je faisais beaucoup de roller et ai toujours squatté dans les shops de skate. Une boutique, ça permet aussi de montrer un univers, de se positionner au-delà des pièces, même si elles sont de très bonne qualité. En mode, comme en skate ou dans le rap, le style et la personnalité comptent à 50%. Quand tu vois un skateur, tu juges le trick qu’il vient de faire, bien sûr, mais le plus apprécié ne sera pas forcément le plus précis. Mes rappeurs préférés, comme Clipse, n’étaient pas forcément les plus techniques, mais ceux qui apportaient un univers entier.
En parlant d’univers rap, que t’inspire la Cour qui a prononcé, non seulement ta relaxe, mais aussi que « le rap est un mode d’expression brutal, provocateur, vulgaire, voire violent, puisqu’il se veut le reflet d’une génération désabusée et révoltée » ?
Je n’en parle pas, parce que c’est fini. Je n’ai pas envie de surfer dessus, de me pavaner ou de relancer une vague de conneries. J’ai refusé toutes les interviews et aimerais éviter de faire le jeu des médias, des twittos et compagnie… Beaucoup de personnes y ont mis de l’ego ou de la démagogie, alors qu’elles ne m’avaient bien souvent même pas écouté. Cette relaxe est normale, point.
Parle-nous plutôt du monde d’Avnier, alors.
C’est un juste milieu entre l’urban wear et le trop rangé. J’ai toujours aimé les fringues, mais jamais vraiment trouvé de sapes qui me correspondaient. Je n’ai pas envie d’être habillé en comptable ou trop street, pas non plus en total look « héritage » avec des chemises de bûcheron ou en trucs de mannequin ultra-mince – de toute façon, je ne pourrais pas ! Sébastian me prêtait des pièces AliasOne, sa griffe street, pour mes concerts, puis m’a proposé une collab. J’ai saisi l’occasion et lui ai suggéré de développer une marque. On a alors commencé à dessiner des choses pour nous, qui nous plaisaient, à adapter nos influences, mais avec une simplicité revendiquée. On s’est vite rendu compte que les filles appréciaient aussi la marque, qui est naturellement devenue unisexe. Mais ça non plus, ce n’est pas un positionnement, l’idée n’est pas de faire une mode statement, d’être modeux pour l’être. On transpose à notre manière, sobre, des choses qu’on a toujours aimé, mais qui sont plus ou moins importables ou trop datées.
Lesquelles, par exemple ?
Pour illustrer, j’aime les mangas, les trucs futuristes, parce que ce sont des genres où il y a beaucoup de styles différents, des histoires et des formes de narration qu’on ne trouve nulle part ailleurs ; en ce moment je suis à fond dans les mangas de sport. Je n’ai pas envie de m’habiller comme ça, mais certaines de nos coupes peuvent y faire écho. Dans un autre genre, j’ai toujours aimé Slick Rick, ses grosses chaînes et ses costards, ou même, sans aller aussi loin, Big L et son détournement des cabans Helly Hansen. Ado, je me disais : « Putain, normalement c’est un truc de marin et lui le porte et ça fait trop bien ! ». Comme quand Lil Wayne à commencé à mettre des jeans moins larges ou Pharrell à porter du Bape. En ce moment, je suis bien dans le revival des années 90 et 2000, dans le Hilfiger et le Calvin Klein. Mais rien de tout ça ne me correspond à 100%. Quand je porte des pièces trop siglées, j’ai l’impression de perdre mon identité. Sébastian, lui vient de Lausanne, d’un monde très graphique. Le mix donne, par exemple, notre sweat avec un logo Avnier (parce qu’on aime tout de même les sweats à gros logos), mais brodé en point de croix. C’est une idée qu’on a eu dans une brocante, si je me souviens bien.
Justement, si on faisait un vide-grenier avec le contenu de tes placards, on trouverait quoi ?
Des baskets. Je les ai pas mal collectionnées, avant de me dire que c’était inutile devant le nombre de rééditions. Il y aurait des fringues de sport et des jeans troués. Gamin, j’adorais Agassi, mais c’est vers 12 ans, quand j’ai commencé à écouter du hard rock, que mon style s’est affirmé – enfin que j’ai commencé à recopier le style des magazine musique. Si Kurt Cobain avait un grand gilet camionneur, je m’achetais un grand gilet camionneur. J’ai ensuite commencé à faire du basket, à écouter du rap et à porter des baggys, des Jordan et des sweats Champion. À Caen, à l’époque, ça ne passait pas inaperçu. Vous tomberiez aussi sur des marques de roller, comme Senate, totalement inconnues, mais qui m’influencent encore. On trouverait surtout mon jogging Jordan Nike. Il coûtait beaucoup trop cher quand j’étais ado, 700 francs, j’avais travaillé pour me le payer mais ça ne suffisait toujours pas. Je me le suis finalement offert il y a trois ans ! Malheureusement, il y aurait aussi beaucoup de fringues de mauvaise qualité. J’ai compris tard qu’il valait mieux avoir une bonne pièce, plutôt que quatre minables. C’est aussi pour ça qu’on a choisi une usine clean au Portugal, qui traite bien les gens tout en nous permettant de faire des vêtements de qualité. On ne sauve pas des vies, mais on n’en détruit pas. Avec Avnier, j’aimerais aller vers quelque chose d’humanitaire comme le fait Véja.
Faire le bien, c’est ça être un homme aujourd’hui ?
J’ai envie d’être quelqu’un qui fait des choses bien, qui lui plaisent, à fond, et qui n’a pas de regrets. Mais le fait de définir « un homme », c’est un concept un peu ringard… S’enfermer dans une définition stricte de ce qu’est « être un homme », c’est justement foncer dans un mur. Pour moi, nous devons nous adapter sans cesse et nous renouveler, essayer de garder du recul, en acceptant les différents points de vue et en écoutant les gens. Je trouve que Jean-Claude van Damme ne disait pas que des conneries quand il parlait de la nécessité d’être aware.
On peut tout de même essayer de définir son style (celui de l’homme idéal, pas de Jean-Claude van Damme) ?
Le résultat idéal, c’est quand la personnalité matche avec les fringues. Il n’y a rien de moins stylé que de s’adapter entièrement à un mouvement, si pointu soit-il. C’est pour ça que les hipsters sont souvent à chier, malgré tous leurs efforts. Tu peux mettre exactement les mêmes pièces à deux personnes et obtenir un résultat complètement différent. Et ce n’est pas qu’une question de physique. En général, j’aime bien le style anglais, un peu franc, de celui qui s’en bat plus ou moins les couilles et fait le truc à fond. En gars de maintenant, je dirais Idris Elba, Ricky Gervais, Skepta ou James Blake. Dans leurs domaines respectifs, bien sûr.
Et celui d’une femme ?
C’est un peu la même chose. C’est bien d’avoir un style, mais il ne faut pas forcer le truc. J’aime bien quand on sent qu’une fille s’est amusée en choisissant ses fringues ou sa coiffure. C’est cool d’être surpris et que les vêtements fassent référence à plusieurs choses ; que les codes soient mélangés. Je connais des filles qui portent de marques très luxe de manière stylée et d’autres qui ressemblent juste à des jeunes mères de familles bourges. J’ai une pote qui est méga cool avec un survet’ Umbro, alors qu’une autre aura juste l’air de rentrer de son entrainement de foot en salle. Je suis pas mal de filles sur Instagram, juste parce qu’elles sont stylées. Il y en a une, par exemple, qui s’appelle Slickwoods, je ne sais même pas ce qu’elle fait, mais elle a un style et un lifestyle qui me plaisent. FKA Twigs est aussi méga stylée parce qu’elle est sexy et fait de la super musique, tout comme M.I.A qui est belle juste avec un maillot du PSG.
Propos recueillis par Anne-Laure Griveau
{"type":"Banniere-Basse"}