Peu avant leur passage au festival, découvrez les Suédois au nom sympa, Love is All, qui ont bien voulu répondre à nos questions. En prime, découvrez le clip de leur single Busy doing nothing.
Que pouvez-vous me dire à propos de votre enfance à Göteborg ?
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Josephine Olausson : Je n’ai pas grandi à Göteborg, mais dans une petite ville, à une heure de la ville. Un coin très très très ennuyeux. Je me suis mis à la musique à 14 ou 15 ans, je travaillais pour un club, qui organisait des concerts une fois par semaine, et nous étions chargés avec quelques amis de faire les affiches. Je pouvais donc y rentrer gratuitement, j’y ai vu des tonnes de concerts ; les Vibrators, de la world music, du punk, quelque chose de différent chaque semaine.
Markus Görsch : J’ai également grandi dans un tout petit village aussi, où vivaient à peine une petite centaine de personnes, à une centaine de kilomètres de Göteborg. Les deux principales attractions étaient le football, discipline dans laquelle j’étais d’une nullité totale, et la religion, une religion très conservatrice. Mais moi et quelques camarades, cinq ou six individus, ne voulions ni de l’un ni de l’autre. On a lancé un groupe de black metal œil y a une grosse scène metal en Scandinavie On allait à Göteborg aussi souvent que possible pour y voir des concerts, des trucs de dingues.
Et à Göteborg, à quoi ressemblait votre vie ?
Josephine : J’y ai déménagé pour suivre mes études, mais j’ai aussi vécu un an à Londres. J’ai suivi quelques cours à la fac, rien de très sérieux. Girlfriendo, mon précédent groupe me prenait pas mal de temps.
Markus : Ce n’est pas une ville énorme, mais c’est la deuxième plus grande en Suède. Elle a longtemps été un gros centre industriel, comme ce qu’a pu connaître le nord de l’Angleterre. C’est la ville étudiante la plus importante de Suède. Il y a beaucoup d’art, de musique, une scène très vive The Soundtrack of Our Lives, Jose Gonzales, Silver Bullet, etc. Il y a donc en permanence beaucoup de choses à voir, c’est assez excitant quand on vient d’un bled minuscule.
Comment expliquer cette vitalité de la scène suédoise, et de la scène de Göteborg en particulier ?
Josephine : En Suède, je ne sais pas. Mais à Göteborg, je pense que ça aide de ne pas être la capitale. A Stockholm, les gens sont pris dans le tourbillon de leur vie professionnelle, de leur carrière, ils n’ont le temps de rien. A Göteborg, il y a des tonnes d’étudiants, qui suivent un rythme très différent, qui peuvent avoir une activité musicale à côté. C’est aussi difficile d’essayer d’être « cool » à Göteborg, ce qui est génial ? à Stockholm, les gens passent leur temps à se balader en pensant qu’ils sont quelqu’un. Pas de célébrités, ou en tous cas on ne les voit pas. Moins de hype.
Markus :A Stockholm, on a l’impression que tout le monde est patron d’une grosse entreprise, ou présentateur d’un show télévisé, quelque chose du genre. Rien de cela à Göteborg. Ca aide : il n’y a finalement pas tant de groupes que ça à Stockholm.
De l’extérieur, on a l’impression que ce qui s’approche le plus des meilleurs groupes anglo-saxons sont la plupart du temps suédois’
Josephine : On en a parlé aujourd’hui Quand on est pas habitué, c’est étonnant de se balader en France, ou en Espagne, d’allumer la radio, et d’entendre toutes ces musiques dans d’autres langues que l’Anglais, dans des styles très différents, propres à chaque pays. C’est quelque chose qui n’existe peut-être pas chez nous ; nous piochons très vite en Angleterre ou aux Etats-Unis.
Markus : Nous visons dans un petit pays, qui manque terriblement de confiance vis-à-vis de sa propre culture. Nous chantons tous en Anglais, nous imitons les Américains’ Nous regardons vers l’extérieur.
Josephine : Mais si nous sommes clairement influencés par le monde anglo-saxon, c’est aussi probablement assez inconscient. Cela accompagne l’enfance, tout ce que l’on entend à la radio ; cela va aussi avec le bon niveau général des Suédois en anglais. Les Américains qui viennent chez nous sont tous surpris par le fait qu’il y a plus de McDonalds ici que chez eux
Le fait de venir de petites villes a nourri votre musique, de frustration notamment ?
Josephine : Probablement. Quand je vivais dans ma petite ville, je n’attendais qu’une chose : le week-end. On partait alors en groupe à Göteborg, la grande ville, on faisait les fous, puis on rentrait par le dernier bus possible. Beaucoup de mes amis d’enfance sont restés dans cette petite ville, ils y ont une famille, des enfants ; je les comprends, mais je ne rêvais pas du tout de ça, être dans un groupe, avoir une vie excitante, voyager est au contraire ce qui m apporte la sécurité.
Markus : Et on veut toujours plus. Où pourrions-nous nous amuser encore plus ?
Que pouvez-vous me dire à propos de Girlfriendo ?
Josephine : Girlfriendo, c’était surtout des idées : je ne connaissais pas grand-chose à la confection de la musique, et ça n’a d’ailleurs pas changé. J’avais de grande idées sur ce à quoi mon groupe devait ressembler, on devait porter un nom rigolo, écrire des chansons marrantes’ C’était conceptuel plus qu’autre chose. Mon copain de l’époque faisait partie du groupe, et lui savait jouer, écrire de belles chansons pop ; on l’a chargé de faire tout le sale boulot, de s’occuper d’écrire des vraies chansons, pendant que nous nous contentions de déconner, de crier comme des fous, d’essayer de chanter. Un groupe plutôt horrible, mais le recul me fait beaucoup l’aimer, je me rends compte qu’il a été assez important pour quelques personnes. J’ai été longtemps persuadée que ma voix sonnait faux, que je ne me contentais pas de chanter faux, mais que je « parlais faux » aussi Ne rien y connaître avait ses avantages : ça avait un côté totalement magique et innocent que j’aime beaucoup.
Puis vous avez splitté.
Josephine : Oui, on a publié deux albums et quelques singles, ça a duré quelques années. Ma meilleure amie ne faisait plus partie du groupe. C’était devenu un peu sérieux, mais pas à un niveau intéressant un peu plombant, en fait. Les choses ne marchaient plus. On a eu une session très déprimante, il faisait un froid à crever, on n’avait rien écrit d’intéressant depuis quelques temps. On a décidé d’arrêter, d’aller boire un coup et d’en parler, et quelqu’un a fini par dire, c’est sorti de nulle part, qu’on devrait tout plaquer. « Quoi, ne plus faire partie d’un groupe ??? » Je commençais enfin à savoir un peu écrire des morceaux, on avait quelques idées avec Markus et Nicholaus, qui faisaient alors partie de Girlfriendo, on a quitté la réunion, on s’est retrouvé dans le même tram, et on a parlé de l’éventualité de monter un nouveau groupe. Je ne m imaginais pas du tout ne plus faire partie d’un groupe. Au départ, ce n’était pas vraiment Love Is All. Pendant des mois, on se rencontrait en permanence, on faisait n’importe quoi, on expérimentait et on voyait ce que ça donnait.
Markus : On a tout essayé. Des trucs très rock comme des chansons exclusivement électroniques, chacun jouait de tous les instruments. Mais les choses ont dû prendre forme par la force des choses, quand quelqu’un nous a demandé si on pouvait faire un concert. On avait deux semaines pour écrire des morceaux ! Et pour choisir qui jouerait quoi
Quels étaient vos points communs ? Comment s’est formé le son du groupe ?
Markus : A l’époque, quelques groupes, le Velvet Underground, Jonathan Richman, The Danielson Family
Josephine : Notre son s’est formé de manière accidentelle. Nous n’avons jamais décidé de faire les choses de telle ou telle manière. On s’est simplement rendu compte, au bout d’un moment, qu’on s’amusait comme des fous, qu’on prenait beaucoup de plaisir On a voulu un saxo sur un morceau, à un moment donné ; un ami est venu jouer, on a adoré, on s’est au même moment rendu compte qu’on devait jouer nos morceaux plus vite : à ce moment là, Love is All est devenu Love is All.
Pourquoi un saxo ?
Josephine : J’aime beaucoup de groupes avec saxo, X-Ray Spex et Laura Logic notamment. C’est un bon choix, pour un instrument je suis contente qu’on n’ait pas choisi la trompette !
Comment articulez-vous vos différentes influences ?
Markus : Nous avons tous des groupes en commun, mais chacun nos spécificités aussi. Je suis probablement le seul à écouter du heavy metal, Fredrik écoute beaucoup de modern jazz Je pense que les influences de Josephine sont celles que l’on retrouve le plus évidemment dans Love is All’
Josephine : J’aime aussi beaucoup ESG. Mais je ne sais pas si tout cela est très conscient. J’aimerais que ce le soit, j’aimerais prendre tous ces gens avec moi et qu’ils jouent ce que je veux qu’ils jouent, mais ça ne marche pas comme ça. Et puis chaque membre du groupe a sa propre idée de comment un morceau de Love is All doit sonner.
Markus : Maintenant que nous avons écrit toutes ces chansons, que nous avons réunies en un album, le problème est peut-être justement de savoir comme nous sonnons. Car nous commençons à travailler sur de nouvelles choses, et il faut faire attention à ne pas nous copier nous-même, ou à ne pas tomber dans la réaction. C’est un problème quand ton groupe devient sa propre influence.
Il y a aussi une impression de lo-fi quand on écoute votre album
Josephine : C’est vrai. Tout a été enregistré dans une cave, à l’arrache. Et puis nous n’avions pas un rond. Et quand j’ai eu un peu de sous, je ne suis pas du genre à aller tout claquer pour acheter un nouveau micro, une console, une guitare : je préfère me payer une jolie paire de chaussures, un bon resto On a du utiliser ce qu’on avait sous la main, bricoler comme des malades. Les micros étaient scotchés n’importe comment sur des bâtons je crois que le scotch est devenu à cette occasion notre meilleur ami.
Markus : Nous nous sommes aussi entendus très tôt sur une chose : nous ne voulions pas, en enregistrant, ajouter des choses qu’on ne pouvait pas jouer sur scène.
Josephine : Et puis nous sommes trop faignants pour passer trois jours à enregistrer une batterie, le casque sur les oreilles, jusqu’à ce qu’elle sonne à la perfection. Pas notre philosophie. C’est terrible d’aller dans un studio très professionnel, que chacun passe son temps dans des salles séparées, que quelqu’un fasse le reste sur un écran ; c’est un peu inhumain, et ça enlève toute réalité et toute passion dans les choses. Impossible de ressentir l’énergie d’un groupe en écoutant son disque si elle n’a pas été vécue par le groupe lui-même pendant l’enregistrement.
Markus : Nous avons enregistré dans un vrai studio à Göteborg, pour notre troisième single : c’était affreux, on s’est terriblement ennuyés.
Combien de temps a-t-il fallu pour terminer l’enregistrement de Nine Times That Same Song ?
Josephine : Pas mal de temps, en fait, car nous ne pensions pas au départ en faire un album. Mais au départ, nous allions vraiment très vite. Et nous allons toujours très vite. Parfois en quatre heure, voire moins, pour accoucher d’un morceau installation du studio comprise
Vous avez une philosophie du single
Markus : Oui, bien que ce soit assez difficile quand on fait partie d’une vraie maison de disque ; pour elle, les albums sont financièrement très importants.
Josephine : Le 45t est selon moi la forme ultime de musique. Si tu peux mettre 3 ou 4 chansons sur un petit 45t, c’est parfait. Ca me vient probablement du punk.
Cela ne va pas être difficile de conserver cette fraîcheur et cette innocence sur une major ?
Markus : C’est quelque chose dont nous avons beaucoup parlé.
Josephine : Nous avons signé le contrat parce qu’ils nous ont garanti qu’ils ne voulaient rien changer à ce que nous faisons. Et même si les choses se passent très bien avec What’s Your Rupture ?, notre label américain, notre expérience dans le monde de l’indépendance nous a montré que les choses ne sont pas aussi simple qu’en apparence : on peut avoir plus de liberté sur une grosse structure, qui en vient presque à oublier ton existence et ne compte pas sur toi pour emplir ses caisses, que sur un petit label, qui au contraire est dépendant de toi et va t en demander beaucoup. Un label indépendant, et surtout un label de moyenne importance, ne peut pas compter sur les Beatles ou Coldplay : il a besoin que tu vendes. On s’est entendu dire par certains qu’on ne pourrait pas faire de deuxième album si le premier ne vendait pas suffisamment. Le genre de pression qui ne favorise pas vraiment la créativité.
Il y a eu un petit phénomène autour du groupe, notamment avec le Single of the Week du NME et la Peel Session’
Josephine : J’ai eu l’impression d’un malentendu, d’une erreur. Ou alors de la conjonction parfaite de choses diverses : notre disque arrive sur le bon bureau, au bon moment car l’auditeur est de bonne humeur, etc. Je connais ça, je fais quelques chroniques dans divers petits magazines c’est d’ailleurs assez affreux de concilier les deux, faire de la musique et en critiquer par ailleurs’ Mais je chronique souvent des disques assez obscurs, des trucs très expérimentaux, pas des choses qui ne ressemblent pas à ce qu’on fait.
Tout ce qui nous arrive ressemble à des coïncidences heureuses. Sean de Rough Trade à Londres qui envoie le disque à la bonne personne, et on se retrouve à Paris en train de répondre à des interviews, on voyage, on fait des tournées, on a des super chroniques c’est assez incroyable, on pourrait encore être à Göteborg, en train de lutter pour faire cohabiter le groupe et nos jobs habituels, pour faire paraître un nouveau petit 45t.
Comment chroniquerais-tu Nine Times That Same Song ?
Josephine : Ca dépend de mon humeur. Si je suis de mauvaise humeur, je le haïrais probablement. Mais de bonne humeur, je trouverais probablement ça excitant.
La scène est quelque chose d’important, pour vous ?
Josephine : Clairement. Une fois qu’on a fait quelques concerts, qu’on s’améliore un peu, et qu’on se retrouve devant une masse de gens heureux, qui se soulèvent dans un même mouvement, qui te déversent dessus des seaux de sentiments puissants, ça devient fou. C’est très gratifiant. Tu termines un concert, puis tu ressors dans le bar, et tu retrouves des gens heureux, contents de te parler wow !
Depuis quand êtes-vous un groupe « à plein temps » ?
Josephine : Depuis que nous gagnons de l’argent !
Markus : J’ai longtemps considéré Love is All comme un truc marrant à faire, mais en tant que hobby, à côté de mon job normal. Je crois que les choses ont changé quand nous sommes allés aux Etats-Unis, pour jouer à South By South West ; les gens étaient très excités, on a eu d’excellents retours, quelques concerts.
Josephine : En rentrant à Göteborg, les choses avaient pas mal changé : les labels ont commencé à faire le siège du groupe pour nous signer, ils nous emmenaient dîner dans des super restos, nous soûlaient Marrant, mais étrange.
Markus : On m appelait au boulot : je ne sais même pas comment ils ont eu mon numéro. Mon boss répondait, puis me disait « C’est pour toi, Virgin Records ! »
Josephine : Et avec le contrat discographique vient le reste : on est assailli par des gens qui veulent être ton manager, ton tour manager, ton avocat Cela ne nous a pas vraiment effrayés, car on n’a pas réellement pris ça au sérieux. C’était comme un jeu, pour nous. Mais il nous a fallu prendre une décision, le choix se résumait entre l’indépendance ou la major.
Markus : Il n’y a pas si longtemps, je pensais qu’on vendrait entre 1000 et 5000 albums, 5000 représentant pour moi le summum Maintenant, l’échelle a probablement changé !
Vous avez intitulé l’album « Neuf fois cette même chanson », il comprend pourtant dix morceaux
Joséphine : J’aime bien ce titre, on en parlait hier Il est parfois bon d’écouter neuf fois de suite la même chanson. Et puis je me suis dit que si quelqu’un voulait descendre l’album, ça ferait une excellente introduction au papier ; s’ils le font, j’ai alors gagné ! Et s’ils le font, ça prouve qu’ils n’ont même pas écouté l’album jusqu’au bout, puisqu’il y a dix titres dessus’ Il y a aussi, dans ce titre, l’idée de frustration ; la phrase est extraite de Busy Doing Nothing, qui parle des journées passées à faire toujours les mêmes petites choses, de l’ennui que ça peut provoquer.
Love Is All en tournée avec le Festival Des Inrocks, le 10 Novembre à Lille (Aéronef), le 11 à Paris (Cigale), le 12 à Nantes (Olympic) et le 14 à Bordeaux (Rock School Barbey). Avec Midlake, Guillemots et Bat For Lashes.
Mini-site Festival Inrocks 2006
– www.myspace.com/loveisall8
– www.loveisall.se
Avec l’aimable autorisation d’EMI
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