James Ellroy n’a pas été
sollicité pour l’adaptation
cinématographique de son
Dahlia noir. Sans rancune,
il applaudit le résultat des
deux mains. Rencontre avec
un spectateur enthousiaste.
Invité à faire la promotion du Dahlia noir
en Europe, James Ellroy a adopté un comportement
paradoxal vis-à-vis du film. Difficile
de saisir si son enthousiasme pour
l’adaptation de Brian De Palma est une
pure mascarade publicitaire ou, au
contraire, un sentiment sincère à propos
du travail d’un cinéaste dont il apprécie les films
des années 80, période vers laquelle la fréquentation
d’Ellroy avec le monde extérieur semble
s’être arrêtée définitivement. “J’aime beaucoup
les films de monsieur De Palma. Cela fait des années
que je ne suis pas allé au cinéma, mais mes
films préférés de monsieur De Palma sont Scarface,
Body Double, Pulsions, Outrages. »
Si Ellroy semble autant faire cavalier seul, c’est
qu’il n’a absolument pas été impliqué dans le
processus d’adaptation de son plus célèbre
roman, ni avec David Fincher ni avec Brian De
Palma. Il ne semble pourtant pas en éprouver
de l’aigreur ou des regrets particuliers. “Mes
contacts avec monsieur De Palma se sont limités à
un déjeuner avant le début du tournage et quelques
visites sur les plateaux. Je n’ai jamais rencontré
monsieur Fincher. (…) Je n’ai pas participé au scénario
du Dahlia noir ou à l’adaptation, pour la
simple raison que personne ne me l’a jamais demandé.
J’ai écrit dans ma vie de nombreux scénarios
pour lesquels j’ai été payé très cher, mais aucun
n’a jamais été tourné. Cela arrive souvent. »
Selon Ellroy, ses rapports avec James B. Harris
et Curtis Hanson, auteurs des précédentes
adaptations de ses romans à l’écran (respectivement
Cop – tiré de Lune sanglante, avec
James Woods – et L. A. Confidential avec Kim
Basinger et Russell Crowe), avaient été beaucoup
plus cordiaux et fructueux sur le plan professionnel.
Ellroy nie le fait d’avoir assisté à une
projection de travail avec De Palma et affirme
n’avoir vu le film qu’une fois terminé, dans sa
version définitive de deux heures. “J’ai rencontré
le scénariste Josh Friedman une seule fois,
après le tournage du film. Son adaptation est
bonne. Elle parvient à compresser l’histoire dans
le temps, et tous mes thèmes sont présents. J’ai
aimé le film. Les acteurs sont
très bons. C’est la vision de monsieur
De Palma de mon livre, avec un langage purement
cinématographique que je n’aurais
jamais pu inventer moi-même. » James Ellroy, sans
doute agacé de répéter les sempiternels compliments
d’usage, finit par cracher le morceau :
“Voilà ce que les gens ne comprennent pas. Il y a
vingt ans, on m’a donné de l’argent pour les droits
cinématographiques de mon roman. J’aime l’argent.
Et je suis réaliste. Il existe beaucoup d’options pour
des adaptations de romans au cinéma et elles aboutissent
très rarement. J’étais persuadé que Le Dahlia
noir ne serait jamais adapté. Finalement il l’a
été. Et j’ai été très bien payé. Donc je ne critiquerai
jamais ce film, je suis très content du résultat. »
Une seule chose semble sûre, c’est la satisfaction
d’Ellroy devant le choix du séduisant Josh
Hartnett dans le rôle du héros de son roman,
qui est également une projection fantasmatique
de l’écrivain dans son propre livre, hanté
à la fois par le meurtre de sa mère (relaté dans
son autobiographie Ma part d’ombre) et l’affaire
du Dahlia noir. “Bucky Bleichert me ressemble
physiquement. Et il se trouve qu’il existe une certaine
ressemblance entre Josh Hartnett et moi »
– affirmation un rien surprenante mais qu’on
se gardera bien de contester. C’est donc la première
fois que le personnage principal d’un de mes
romans est interprété par un acteur qui colle à sa
description. J’ai de la chance.î Lorsque l’on questionne
Ellroy sur son rapport à Los Angeles,
sa ville et le décor de tous ses romans, et son
amour pour le cinéma criminel
hollywoodien, l’écrivain
est catégorique : “Je suis obsédé
par le Los Angeles des années
40-50. C’est dans mon
sang. Et j’adore tous les ragots et la merde qui entourent
Hollywood. Je veux savoir qui est homo,
qui est lesbienne, qui a la plus grosse ou la plus
petite. Hollywood Babylone ! (…) Le “film noir »
est mort à la fin des années 50. C’est fini. Je n’ai
pas la télé, je ne vais plus au cinéma. »
“Mes films noirs préférés sont Chasse au gang
d’André De Toth, Le Rôdeur de Joseph Losey,
Nous avons gagné ce soir de Robert Wise, Armored
Car Robbery de Richard Fleischer, Assurance
sur la mort, Boulevard du crépuscule
et Le Gouffre aux chimères de Billy Wilder. »
A la suite de cette liste récitée sans la moindre
hésitation, et faisant preuve d’un goût cinéphilique
parfait, on se hasarde à mentionner le
nom de Robert Aldrich, dont certains films
comme Le Démon des femmes nous semblent
proches de l’univers putride du Dahlia noir. Une
opinion loin d’être partagée par James Ellroy.
“Je pense que Robert Aldrich était un mauvais
metteur en scène. Attaque est mauvais, Les Douze
Salopards est mauvais, Le Grand Couteau est
mauvais, En quatrième vitesse est mauvais. Pas
d’orchidées pour Miss Blandish est très mauvais.
Désolé, je ne comprends pas Robert Aldrich ! »
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