Le festival auvergnat continue! On y est, on vous raconte.
Alors qu’une partie rance du Royaume-Uni envisage de se séparer de l’Europe, le festival Europavox la construit à sa modeste manière : sur l’échange culturel. Des journalistes et « ambassadeurs » venus d’un peu partout œuvrent ainsi en amont et en aval pour éliminer les frontières et les clichés – on est loin ici des tartes à la crème du concours abracadabrantesque de l’Eurovision. En amont, en faisant remonter aux équipes d’Europavox les trouvailles musicales et scéniques de leurs propres pays. En aval en couvrant ce festival unique en son genre, puis en en organisant même ses versions locales si possible. Pour les accros de nouveaux sons l’oreille collée à SoundCloud ou BandCamp, c’est l’occasion unique de découvrir enfin sur scène ces artistes aux noms mystérieux venus de Finlande ou Lettonie, de voir ce qu’on ne peut généralement qu’entendre.
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Et sortir la musique de sa virtualité a du bon, quand on découvre en physique, en totale hystérie déglingos les Serbes titubants de Repetitor et leur grunge volcanique ou le rrrrriot-rock des Suissesses pas commodes de Chikitas, jolie claque avec une enclume au fond des gants.
C’est avec ce genre de programmation, gratuite et massivement suivie par un public jeune et sélectif, qu’Europavox affirme son identité, sa différence – qu’il est bon de découvrir un artiste précédé d’aucune recommandation, d’aucune hype, d’aucune bio gonflée aux hormones. Surtout quand ces découvertes, venues de 24 pays, sont épaulées par des artistes plus ou moins installés, mais qui ont suivi la même filière parallèle, en marge des industries lourdes.
Une des grandes chansons/hymnes de 2016
On retrouve ainsi les intransigeants LUH, dont le chanteur Ellery avait testé ce genre de systèmes parallèles de distribution et de représentation avec son regretté groupe WU LYF. Avec son groupe très européen – sa complice Ebony est hollandaise, ils se sont connus à Manchester et ont vécu en Espagne avant de se poser à Amsterdam –, il continue plus profondément encore sa quête d’un rock absolu, romantique et politique, un rock de survie, un rock qui donne franchement envie de monter hurler à la Lune, les bras au ciel, au sommet du Puy de Dôme. C’est le genre de réaction tout à fait normale qu’impose Lament, une des grandes chansons/hymnes de 2016. Grand moment.
Après ce concert glacial, aux délires gabba saisissants, le contraste est on ne peut plus violent quand on retrouve Katerine et sa pianiste loufoque. Entre stand-up absurde et douceur de Bourvil, Katerine a trouvé un ton juste, à sa mesure démesurée. Car ses histoires de toutous ou de hérissons, qui partout ailleurs vireraient à la gaudriole alterno ou à l’expérimentation de théâtre de ruelle où les chiens pissent, imposent une cohérence, presque une normalité : celle d’un adulte coincé dans un corps d’enfant et son petit justaucorps vert.
Entre leurs pop-songs à reprendre une canette de Red Bull à bout de bras et leurs monstrueuses charges rythmiques, les Shoes ont aussi trouvé leur équilibre. C’est celui, chancelant du type défoncé sur le dancefloor, qui se cogne contre les murs et parle à l’extincteur.
Car la guerre fait rage dans cette musique à peine contenue par les besoins et limites des programmations, déformant les contours et perspectives de ces refrains qui, hagards, ne se souvient plus de leur famille, de leur origine, pop ou techno. Il faut ainsi entendre leur People Movin In joué hard-tek kidnapper A Forest de Cure. Cette indécision fait leur grandeur, leur puissance, mais aussi leur incapacité à vraiment agglomérer un public. Qui saute en l’air sur une cavalcade de beats avant de se déconcentrer et retomber dès que flotte une nappe de pianos. Un jour, pourtant, ce quiproquo prendra fin et le grand public se rendra compte que les Shoes sont à sa taille.
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