Il n’y a pas que les Etats-Unis dans la vie d’un sériephile. Tour d’horizon des pépites cosmopolites repérées au quatrième festival parisien Séries Mania, dont plusieurs prélevées dans le prodigue gisement israélien.
Longtemps restreints à une pratique solitaire de leur passion, les amateurs de séries ont désormais envie de se rencontrer, de se parler et plus si affinités. La quatrième édition du festival parisien Séries Mania (du 22 au 28 avril) était là pour le prouver. Entre tables rondes, rencontres avec des créateurs et projections bondées, l’effervescence habituelle du rendez-vous printanier du Forum des images, en plein bunker des Halles, ne s’est pas démentie. Dans une sélection très large, on a décidé de s’intéresser aux créations hors Etats-Unis.
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Après la belle minisérie du réalisateur japonais Hirokazu Kore-Eda, Going Home (cf. Les Inrocks n° 908), deux créations anglophones ont retenu l’attention. L’anglaise In the Flesh est une série de zombies, mais à dix mille lieues du modèle dominant incarné par The Walking Dead. Ici, les “partiellement décédés”, comme on les appelle, sont soignés avec des médicaments qui leur permettent de mener une vie presque normale, à quelques détails près – par exemple, ils ne mangent rien. Le problème ? Ils sont ostracisés, détestés, pourchassés. Le scénario de Dominic Mitchell fait d’eux une minorité opprimée. Une façon intéressante de renouer avec la tradition politique du genre initié par George Romero.
Plus classique mais pas moins fine, l’australienne Puberty Blues rejoue, comme son titre l’indique, la chanson du mal-être adolescent. Mais elle le fait avec une grande frontalité et une vraie hauteur de vue, grâce notamment aux personnages adultes traités avec la même intensité que leurs enfants.
C’est désormais une habitude : on a encore vu plusieurs séries israéliennes stimulantes. Se trouve-t-il parmi elles les prochaines Beti Pul ou Hatufim, respectivement à l’origine des remakes américains In Treatment et Homeland ? Mother’s Day, l’enfer quotidien d’une mère de famille qui ment tout le temps, est en tout cas déjà en cours de développement, avec Debra Messing. Ce ne sera sans doute pas le cas d’Ananda, mollasson road-trip en Inde d’une quadra sonnée par une rupture qui se fait arnaquer par deux Arabes israéliens un peu perchés.
Ce ne sera pas non plus le cas de la très drôle Mom and Dads, mais pour d’autres raisons. Cette chronique de la vie à trois (un couple d’hommes et leur copine célibataire avec qui ils ont un enfant) ressemble trop, sur le papier, à The New Normal, l’audacieuse sitcom de Ryan Murphy sur l’homoparentalité. Son créateur, le talentueux Avner Bernheimer (scénariste de Yossi & Jagger, hit gay du cinéma israélien en 2002), avait pitché son projet dès 2007, alors que lui et son compagnon étaient en train de vivre un processus similaire. C’est peu de dire que sa série sent le vécu : chaque situation est auscultée avec une justesse implacable. L’ashkénaze névrosé (quatre séances de psy par semaine), père biologique ayant des difficultés à “reconnaître” son bébé, son compagnon fêtard qui se découvre papa poule, et la mère, célibataire endurcie supportant mal l’invasion généralisée de son petit appart bordélique : tous traversent des montagnes russes émotionnelles dont ils n’avaient pas forcément mesuré les enjeux. Rien que de très classique à l’arrivée d’un enfant ? Bien sûr, mais encore faut-il le mettre en scène. La série est pleine de nuances très belles, loin du catalogue sociologique, comme les regards impuissants et gênés des deux hommes devant le corps étranger de leur copine à la maternité. Indifférente au timing comique à l’américaine, Mom and Dads se consacre d’abord à l’intimité d’une famille nouveau genre. Une manière franche de s’attaquer à un sujet brûlant, en Israël comme ailleurs.
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