Ce week-end avait lieu le coup d’envoi du festival Villette Sonique, qui fête ses onze ans cette année avec une programmation plus que réjouissante. On y était, on a vu beaucoup de groupes, on en a retenu quelques-uns.
FRUSTRATION et SLEAFORD MODS
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Vendredi 27 mai, première soirée sonique à la Villette et premières claques : alors que les Français de Frustration jouaient à domicile devant un public acquis à leur cause, les trop rares Sleaford Mods, venus d’outre-Manche, provoquaient un déluge de bière sur les premiers rangs de la Grande Halle. Un line-up sous très haute influence post-punk donc, marqué par les synthés hypnotiques et les guitares rageuses des Parisiens, et la gouaille prolétarienne d’un Jason Williamson déclamant ses lyrics cradingues à la manière d’un crieur public. Dans un cas comme dans l’autre, c’est la figure tutélaire de Mark E. Smith qui pointe le bout de son nez. Et à en croire le ballet incessant des jambes en l’air dans le public et les invasions intempestives de la scène, on est en droit de se dire que le genre possède encore quelque chose d’à la fois cathartique et galvanisant. Et même si les guitares psyché et les compositions pop de White Fence pouvaient dénoter dans tout ce marasme, le Californien Tim Presley, qui tourna avec The Fall à une époque (décidément, Mark E. Smith est cité partout ce soir) tira une nouvelle fois son épingle du jeu avec un set carré. Mention spéciale décernée à Andrew Fearn de Sleaford Mods pour son t-shirt Dismaland, qui aura passé, comme d’hab’, la soirée à appuyer sur Play en dansant sur place, une bouteille de bière à la main.. F.M.
USÉ
C’est certainement la découverte de ce week-end à Villette Sonique. JD Beauvallet en avait parlé ici, et on s’était donc plongé dans le premier album, Chien d’la casse, du projet solo de cet Amiénois barré. Mais barré bien, barré grave, barré lourd, barré violent. Le genre de type à avoir été élu « Amiénois de l’année » par Le Courrier Picard – selon sa fiche d’intro sur le site de son label Born Bad – et à martyriser sa batterie, seul sur scène, comme si la fin du monde était proche. Usé chante aussi, d’une voix rocailleuse, venue des profondeurs de l’humanité (ouais, rien que ça), sans beaucoup de limites ni de bienséance. Le voilà donc qui quitte sa batterie, se poste au bord de la scène, susurre quelque chose à propos de l’amour et se touche l’entrejambe de façon suggestive. Quelques bonnes âmes quittent l’assistance. Il faut dire qu’Usé dérange, chahute, avec son allure dégingandée et sa tignasse filasse. « Enfermé dans cette piaule à boire toute cette gnôle/Sous mes draps je suis seul » répète-t-il sur Sous mes draps. Ambiance. C.B.
HELENA HAUFF
La langue a parfois ses limites, et on ne trouve tout simplement pas de mots pour dire tout notre amour de Helena Hauff, Dj hambourgeoise à la techno d’une noirceur post-industrielle condensée dans un deuxième (mais premier véritable) album, Discreet Desires, sorti en septembre 2015 – et dont on ne saurait que trop vous recommander l’écoute DE TOUTE URGENCE. Les plus chanceux l’auront vue s’agiter dans la pénombre du Golden Pudel, mythique club de Hambourg qu’abritait une maisonnette aux allures de chalet de montagne, parti en fumée dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 février 2016, où elle était résidente. Le cadre était radicalement différent samedi 28 mai : c’est en plein jour et en plein parc qu’elle balançait ses déflagrations d’une réjouissante violence, invitant le public à délimiter les contours de leur propre club, à créer l’énergie collective nécessaire à la réussite du set. Et ce fut le cas : alors qu’Helena Hauff tressautait, bras en l’air, derrière ses platines, le public affichait une sorte de sourire géant, se disant certainement, comme un seul être, qu’on était aussi bien là qu’à Berlin, hein. C.B.
BOREDOMS, BEAK> ET ATA KAK
Alors que la journée de samedi s’égrène entre les coups de butoir de JC Satan et le live complètement démesuré et égomaniaque de ce sale kid de Powell dans la salle du WIP, les conversations tournent autour de la possibilité ou non de se pointer au Cabaret Sauvage le soir-même pour les vingt ans du label électro Versatile Records et de la venue à Paris de Boredoms, Beak> et Ata Kak. Un line up pour le moins étonnant, qui se transformera vite en grande messe psychédélico-krautrocko-house. Baigné dans une atmosphère crépusculaire pendant plus de deux heures après le set chamanique et incantatoire des Japonais de Boredoms, c’est un public abasourdi de sons métalliques qui terminera sa soirée sur les motifs syncopés de la house du Ghanéen Ata Kak. F.M.
CAVERN OF ANTI-MATTER
En attendant de voir Tortoise sur la scène du Trabendo lundi soir, c’est une autre figure majeure du post rock qu’il fallait redécouvrir dimanche au parc de la Villette, en la personne de Tim Gane. Tandis que Domenique Dumont terminait son set au WIP et que Chicaloyoh hypnotisait le public de la Scène Labels, l’ex-Stereolab s’installait tranquillement sur la scène du Cercle Sud, avant de livrer un set sidérant de maîtrise. Accompagné par Holger Zapf aux claviers et Joe Dilworth à la batterie, on se prend à rêver de le voir rejoint au micro par Bradford Cox, le leader christique de Deerhunter ayant enregistré cette année avec les Berlinois de Cavern of Anti-Matter l’imparable Liquid Gate. Il n’en sera rien, bien évidemment. Mais peu importe, les rythmiques et autres boucles répétitives de ce set enthousiasmant nous trottaient encore dans le crâne au moment de retourner au bar. F.M.
LES HÔPITAUX
La météo prévoyait des orages, mais on ne s’attendait pas à ça. Le concert de Cavern of Anti-Matter à peine terminé, que le tonnerre grondait déjà du côté de la Scène Labels. Les Hôpitaux, duo parisien atypique, ne se foutent pas que de la charité, ils se moquent aussi des étiquettes. Sous une pluie fine et devant un parterre de ravers en baggy et k-way 80’s, les deux kids de Belleville ont maltraité leurs machines et livré un set bouillant et brutal. Habitués des caves et des bars pas faits pour accueillir ce genre de no-wave expérimentale et post-industrielle, Sam et Marc-Aurèle (également collaborateur des Inrocks) ont profité de la grosse sono de la Villette Sonique pour coller une claque à un public médusé, mais en transe. Ces deux-là pourraient bien avoir inventé quelque chose. F.M.
NO ZU
Que penser de No Zu ? Moins de 24h après leur concert dimanche 30 mai sur la grande scène de Villette Sonique, notre cœur balance toujours entre enthousiasme et blasitude. Disons que les premières vingt minutes nous emportent : le mélange bouillonnant de percussions world, de funk, de synthés analogiques extirpés du New-York de la fin des seventies-début des eighties, entre Liquid Liquid, Tom Tom Club, voire, plus récemment, The Juan Maclean, est d’une efficacité incroyable. Et ces huit Australiens ne s’économisent pas. Tous se tortillent, tressautent, trépignent, se trémoussent, bref, dansent. On a très envie de les imiter et c’est donc bien joué. Sauf qu’au bout d’un moment, leur punk-funk seventies, leur sifflet, et leurs sourires collés jusqu’aux oreilles lassent un peu. Certains crient au génie, d’autres affichent une moue dépitée. On est entre les deux. C.B.
ZOMBIE ZOMBIE
Après un set décevant parce que très ennuyant de The Maghreban, Zombie Zombie offre une forme de perfection cosmique. Venus fêter les 20 ans du label Versatile, Etienne Jaumet et Cosmic Néman sont accompagnés, pour l’occasion, de Sonic Boom – co-fondateur, avec Jason Pierce (lui-même parti faire Spiritualized) du culte Spacemen 3. La rencontre se fait donc quelque part entre Jupiter et Saturne, sur une planète où la pluie serait d’un bleu moiré et les plages d’un noir stellaire. A moins qu’il ne s’agisse d’un road-trip en Delorean dans le désert californien, la tête pleine de psychotropes, et des étoiles dans les yeux, dans une sorte de remake de Zabriskie Point que signerait John Carpenter. La salle, bondée, est d’une moiteur tropicale, et le concert file à une vitesse éclair. On se prend à regretter de ne pas les avoir vus un vendredi aux alentours d’1h du matin, plutôt qu’un dimanche pluvieux à 20h et des poussières. Pour 2017 peut-être ? C.B.
Villette Sonique se poursuit jusqu’au mercredi 1er juin avec Suuns, Ty Segall & The Muggers, Kamasi Washington… Plus d’infos ici.
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