A 17 ans à peine, Camélia Jordana, ex-fiancée de la Nouvelle star, sort un premier album qu’elle a souhaité sans concession. Un disque automnal idéal pour l’été.
Les méchantes langues vous diront que l’histoire était cousue de fil (dentaire) blanc : Camélia Jordana, 17 ans et bourrée de talent, maverick de l’édition 2009 de la Nouvelle star, déboule avec un premier album plutôt dissonant, qui lorgne plus sur le rayon indé que sur le facing “Leclerc Musique”.
On voit déjà la tête des opposants, le cheveu gras et la foi mauvaise : “Mais ouais, mais les mecs ils calibrent tout aujourd’hui, c’est du sur mesure pour les bobos, ta chanteuse, et toi tu te fais avoir comme un naze.” Oui, je me fais avoir, et j’en redemande. Camélia Jordana, c’est un peu la fille cachée de Joe Dassin : une petite nana qui chante avec une jolie nonchalance, en jouant avec la ligne de variétoche (pas d’Adamo-Camélia donc). Qui se nourrit d’influences anglosaxonnes même entre les repas, en s’appuyant sur une écriture en VF généreuse, qui ne renie jamais sa fragilité.
Ce premier album très réussi, c’est surtout une volonté d’envisager la chanson française avec ambition, avec une énorme envie de la faire enfin sonner pour les jeunes gens modernes – et non pas leurs grands-parents. La grande force de Camélia Jordana, c’est d’avoir voulu, pour ce premier album sans concession, ouvrir ses portes (et son “univers”, comme disait Dove Attia) à une troupe de songwriters postés loin de la trop fameuse “nouvelle chanson française”. Des gens capables de choper l’image de cette ni geek ni soumise, et de la fixer juste à côté de l’époque, sans démagogie ni facilité.
On pense à Doriand, La Fiancée et Edgard Ficat, à l’oeuvre sur le tube Non non non (écouter Barbara), à Mathieu Boogaerts (l’élastique Moi c’est) ou encore à Séverin (La Vie en solitaire, Le Mois d’août) et AbEL K1, auteur de Calamity Jane, la plus belle chanson de l’album, sur laquelle Camélia enfile sans sourciller les cuissardes de Cat Power.
Sur ce premier disque automnal, très contemporain mais loin du groove urbain et syndical de Kate Nash et de Lily Allen – “tout le monde voulait me caser là” –, les filles sont des héroïnes par défaut, qui dansent un peu devant le miroir de leur chambre et téléchargent des vieux tubes folk en attendant le prince charmant, coincées dans leurs grosses Nike AirForce.
L’ambiance n’est certes pas toujours à la fête, mais la vie se déroule avec beaucoup de réalisme, loin des jeux de rôle et de langage qui plombent trop souvent la chanson d’ici. “J’avais envie de tenter quelque chose, d’apporter un truc un peu nouveau, en toute humilité.” C’est réussi. Camélia Jordana, c’est Camille qui aurait vu le dingologue, Keren Ann en moins avachie, ou Françoiz Breut qui aurait enfin pris son abonnement Freebox. A cela s’ajoute une volonté d’en découdre avec le haut des charts sans forcément porter le tanga au-dessus du jean. “J’avoue que je suis très contente d’être devant une meuf comme Lady Gaga, plaisante Camélia Jordana. Mais là où je suis plutôt heureuse, c’est que j’ai le sentiment de n’avoir fait sur mon disque aucun effort pour cela”, conclut-elle en s’amusant d’être à la fois sur la couve de Télé Poche et sur celle de Libé.
A 17 ans à peine, l’ex-outsideuse de la Nouvelle star dit souvent “mortel” et écoute Devendra Banhart en boucle (“le mec a tout compris”), avoue son admiration pour Christophe Honoré, Edouard Baer, Daft Punk, Phoenix et Amel Bent, tout en vous faisant écouter au iPod un vieux Tom Waits qui vous avait échappé – elle l’a découvert grâce au mode shuffle. Bref, c’est une chouette fille de son âge mais pas trop, qui a décidé de ne pas chanter comme Françoise Hardy, en se fiant à ses propres astres.