Madness, farouche défenseur du bon songwriting anglais. Un nouvel album et un beau coffret le rappellent. Dès les premières secondes de Lovestruck, merveilleux single qui débouche le Madness nouveau, on se dit que Wonderful n’a peut-être pas volé son nom. Après quatorze ans d’absence ou de faux retours, d’albums live foireux en compilations tiroir-caisse, le […]
Madness, farouche défenseur du bon songwriting anglais. Un nouvel album et un beau coffret le rappellent.
Dès les premières secondes de Lovestruck, merveilleux single qui débouche le Madness nouveau, on se dit que Wonderful n’a peut-être pas volé son nom. Après quatorze ans d’absence ou de faux retours, d’albums live foireux en compilations tiroir-caisse, le septuor originel reprend du service et les choses exactement là où il les avait laissées en 85. Même les producteurs qui firent sa gloire, Clive Langer et Alan Winstanley, ont été convaincus de ressortir des malles aux souvenirs leurs vieux grimoires et de retrouver à la virgule près les recettes d’époque. Lovestruck, Johnny the horse ou 4am n’ont ainsi rien à envier aux classiques eighties de Madness, à l’époque où les Nutty boys londoniens, faux crétins mais authentiques génies de la pop-song éblouissante et concise, faisaient chaque saison rire jaune l’Angleterre coincée et dépressive de Thatcher.
Tous les visages de Madness défilent ainsi dans un étonnant diaporama de onze vignettes, des pitres en baggy trousers du revival ska (The Communicator) aux chroniqueurs grinçants qu’ils devinrent naturellement ensuite, sans les empâtements des tentatives solo des uns et des autres, à commencer par Suggs. L’impayable Ian Dury vient même passer la tête au balcon sur un Drip fed Fred grivois et éthylique, tandis que No money ressemble carrément à une dépendance de Our house. Un jeu amusant consiste d’ailleurs à relever le nombre de clins d’oeil, emprunts, citations et recyclages des anciennes chansons dont Madness, volontairement ou par réflexe, a ponctué les nouvelles.
Pour les oublieux ou les paresseux, tous les indices figurent dans The Lot, coffret de Noël regroupant l’intégralité des six albums enregistrés par Madness entre 79 et 85 et, bonheur incommensurable, les vingt-quatre vidéos burlesques ayant illustré les singles. Une occasion d’apprécier dans la continuité cette courbe d’évolution qui figure parmi les plus harmonieuses de l’histoire de la pop anglaise. Le départ en trombe avec les premières farces de One step beyond ou Night boat to Cairo, puis ce sourire qui commence, au fil des albums, à se figer lentement (Grey day), la pétomanie des débuts laissant peu à peu la place à cette subtile élégance pincée tout droit héritée du modèle Ray Davies, enfin cet inévitable déclin qui est l’apanage des plus glorieux empires.
Tout en haut de la courbe, il y a d’ailleurs un album au nom prémonitoire, The Rise and fall, sorti en 82, que l’on peut légitimement considérer comme le Village green ou le Arthur de Madness. Une oeuvre sépia sur l’enfance disparue et les fantômes d’un royaume en décomposition, dont la redécouverte obligatoire devrait clouer définitivement le clapet de ceux qui pensent que Madness ne fut qu’un aimable orchestre de rigolos, uniquement fréquentable sur la distance des singles. The Lot, avec son implacable rangement chronologique, a pour premier mérite de les réhabiliter aussi comme un immense groupe d’albums. Une évidence que le nouveau Wonderful, en dépit de ses parfums réchauffés et ses ficelles parfois un peu épaisses, ne parvient pas à contredire.
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