Entre le nouveau titre des développeurs de « World of Warcraft » et le reboot d’une légende des années 1990, le FPS (First Person Shooter) est à l’honneur ce printemps. Et c’est en s’offrant un retour aux sources que le genre, plus dynamique et nerveux que jamais, s’invente un avenir.
« Le vieux singe apprend de nouvelles grimaces », jure le premier (dans sa bande son, alors qu’on se lance dans l’action). « Si un ennemi possède une tête, considérez la comme un point faible », ajoute le second (en guise de conseil sur un écran de chargement). Amateurs de subtilités narratives et de héros à la personnalité fouillée, passez votre chemin : le FPS (First Person Shooter, soit jeu de tir « à la première personne ») signe en ce printemps son grand retour au premier plan. « N’importe quoi », réagiront certains qui n’ont pas manqué de remarquer que les titres en vue subjective dans lesquels le joueur manie des armes squattent les premières places des charts vidéoludiques depuis des années.
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Ils ont raison, mais un peu tort aussi : des jeux d’aventure aux RPG en passant par le grand spectacle cinématique, de Fallout à BioShock en passant par Dishonored, l’omniprésence du mode de représentation subjectif signe moins le triomphe du FPS en lui-même que son absorption par d’autres genres et, au final, la dilution du type d’expérience ludique qui lui était traditionnellement associée – intense, viscérale, follement dynamique. Bonne nouvelle pour ses adeptes historiques : cette dernière constitue l’alpha et l’oméga de deux des gros jeux du moment, un nouveau venu (très) ambitieux et un grand ancien qui n’a peur de rien.
Dans Overwatch, le casting est premier
Le premier s’appelle Overwatch et l’identité de ses développeurs amène d’emblée à considérer qu’il ne doit pas être pris à la légère, car quand Blizzard (World of Warcraft, Diablo, Hearthstone…) sort un jeu, on peut généralement être sûr qu’il marquera les esprits – et l’industrie. Celui-ci est un pur FPS multijoueurs qui invite à enchaîner les parties courtes en ligne, quelque part entre le précurseur Team Fortress et Splatoon, le très populaire shooter ensoleillé de Nintendo paru l’an dernier dont Overwatch se révèle étonnamment proche sur certains plans. Comme lui, d’ailleurs, le jeu de Blizzard aime les couleurs vives et, loin des couloirs obscurs et des décors bruns-gris dans lesquels se complaît souvent le genre, c’est sur une île grecque, dans un temple égyptien ou sous le ciel bleu de Gibraltar qu’il installe ses affrontements endiablés. Le twist, ici, est dans la collection de personnages que l’on va pouvoir s’approprier, y compris en passant de l’un à l’autre au cours d’un même assaut – le zapping est franchement conseillé. Parmi ces Village People apprêtés de la culture geek mondialisée, on trouve un samouraï androïde, un cow-boy à poncho, une pilote de mecha, un patineur à dreadlocks… A chacun son attirail et ses capacités bien spécifiques dont la maîtrise est presque plus importante que celle de la topographie des niveaux. Dans Overwatch, le casting est premier.
Une chasse aux démons sur la poussiéreuse planète Mars
L’autre FPS du moment est un reboot de celui qui, au début des années 1990, a énormément fait pour la popularité du genre dans le sillage de Wolfenstein 3D du même studio texan id Software : Doom. Le grand Doom, le sombre Doom revenu du néant après une bonne décennie de développement et qui, après un Doom 3 (2004) davantage porté sur l’épouvante, retrouve l’esprit de son ancêtre révélé au monde en décembre 1993. Dans une ambiance de série B et sous un ciel bas et lourd, nous revoilà donc lancé dans une chasse aux démons sur la poussiéreuse planète Mars. On note bien la présence d’une surcouche de sophistication moderniste (tuning de flingues et d’armures, éléments de narration environnementale…), mais cette dernière ne devrait tromper personne. Dans l’aventure solo comme dans les parties à plusieurs d’un classicisme absolu – un troisième mode, bienvenu, permet au joueur de concevoir ses propres niveaux –, la vitesse et la brutalité sont reines. Sous les débordements gores se cachent l’épure ludique et le retour aux sources du genre. Ou, plus exactement, un nouveau départ déchaîné après un ravitaillement fructueux aux sources en question.
De Doom à Overwatch s’épanouit ainsi une même vision du jeu vidéo : frontale, attentive à sa dimension sportive et privilégiant le récit qu’il produit – ce qu’on aura raté ou réussi, ce qui nous sera arrivé en jouant – à celui sur lequel il fait mine de s’appuyer – son scénario plus ou moins développé. En découlent des séances de gendarmes et voleurs new look, des jeux de chat pour les (jamais complètement) grands, des parties de déli-délo dématérialisées.
Des deux FPS, Overwatch est sans doute celui qui assume le plus clairement cette généalogie, y compris en intégrant à l’expérience une autre dimension au moins aussi enfantine : celle du déguisement – avec ses multiples personnages –, quand bien même il posséderait une utilité tactique. Mais c’est aussi celui qui semble le plus calculateur avec ses airs de jeu de synthèse (d’idées, de styles, de lieux…) un rien aseptisé et plus fonctionnel que vraiment attachant. On se gardera pourtant de l’écarter trop vite : par sa nature même de jeu en ligne, il est appelé à évoluer et son avenir dépend désormais aussi de ce que les joueurs en feront. En attendant, ces derniers peuvent toujours aller se perdre et se retrouver dans les sombres labyrinthes (métaphoriques ? mythologiques ? psychanalytiques ?) de Doom dont on sort le souffle court, un peu sale et comme décoiffé à l’intérieur. Car Doom frappe fort, ne fait pas de compromis et laisse des traces. Doom est à prendre ou à laisser. C’est éminemment respectable.
Overwatch (Activision / Blizzard), sur PS4, Xbox One et PC, de 45 à 60 €
Doom (id Software / Bethesda), sur PS4, Xbox One et PC, de 45 à 50 €
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