Dans son comic strip Cul de Sac, commencé en 2004, Richard Thompson raconte en histoires courtes le quotidien de gamins dans une banlieue déclassée. Fragile et beau.
Le comic strip est à la bande dessinée ce que la poésie est à la littérature : un format court qui repose sur la notion de rythme et la puissance évocatrice de ses images. Il suffit de scruter avec un peu de sensibilité le visage de Dill, un des jeunes héros de Richard Thompson, lorsqu’il évoque sa famille, ou bien quand il joue abrité derrière sa drôle de cagoule avec un rouleau d’essuie-tout vide, pour en prendre la mesure.
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Ce qui distingue Richard Thompson des autres poètes de la bande dessinée, c’est notamment le nombre de personnages qu’il peut mettre en scène au sein d’une page, mais aussi leur complexité. Les comic strips majeurs, de Calvin et Hobbes à Krazy Kat en passant par Snoopy et les Peanuts, se sont souvent attachés à suivre un couple ou un trio de protagonistes, puis à décliner à l’infini les variations de gags sans pour autant lasser le lecteur.
Revenus modestes et aspirations émouvantes
Mais le Cul de Sac de Richard Thompson est différent : cette modeste banlieue américaine qui étouffe sous une modernité bringuebalante se trouve perpétuellement traversée par une horde d’enfants aussi insaisissables les uns que les autres, même si deux d’entre eux, Petey et Alice Otterloop, servent de vecteurs.
Le premier est un touchant asocial qui aime à se replier dans sa chambre pour mieux s’oublier dans la lecture de bandes dessinées. La seconde, sa petite sœur, est au contraire une casse-cou exubérante aux crises de colère redoutables et aux remarques tranchantes.
Autour des Otterloop se dessine le quotidien d’une classe sociale aux revenus modestes et aux aspirations émouvantes, qui tente de s’éveiller à la création dans un environnement pauvre où tout semble néanmoins possible. A travers les émerveillements faciles, des imaginaires que le moindre bout de décor suffit à exalter, s’exprime la beauté renversante de Cul de Sac. Et comme le rappelle Dill en décrivant le rouleau d’essuie-tout vide qu’il chérit entre ses mains : “Ces choses-là sont fragiles.”
Cul de Sac, volume 1 (Urban Comics), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Gouveia Roberto et Pierre Borgnet, 352 pages, 22,50 €
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