Nicolas Cage et Willem Dafoe sont réunis dans le nouveau Paul Shrader, « Dog Eat Dog », et ce 26 ans après avoir
tourné ensemble dans « Sailor et Lula », palme d’or de David Lynch en 1990.
Il y a vingt-cinq ans, Nicolas Cage (2m de haut, veste en cuir de 10kg, lunettes noires, bagouzes et chirurgie esthétique : imposant) et Willem Dafoe (1m70, un simple pull, à la cool : quand même imposant) étaient à Cannes et gagnaient la palme d’or avec Sailor et Lula de David Lynch. Cette année, Paul Schrader les réunit à nouveau dans l’excellent Dog Eat Dog, pur polar hardboiled en clôture de la Quinzaine des réalisateurs…
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Quels souvenirs gardez-vous de la victoire de Sailor et Lula en 1990 ?
WD : Je me souviens du diner après, durant lequel Nic s’est levé et a chanté Love Me Tender devant tous les invités. Je me suis dit « quel charmeur ce Nic, Moi je serais incapable de faire un truc pareil… »
NC : Tu parles ! C’était un des moments les plus embarrassants de toute ma vie. C’est le président du festival qui m’avait demandé de chanter, j’étais réticent et Lynch m’a dit « Nixter (il m’appelait toujours de ce sobriquet) ! Monte sur la table et chante ! ». J’ai fini par céder, mais ma voix était toute pourrie…
WD : Bullshit Nic ! Tu étais au top, je m’en souviens très bien, et je me disais « bon sang, ça c’est un acteur, un mec cool, un mec smooth »…
Qu’est-ce qui vous a motivé pour faire ce projet ?
NC : La sentinelle (Dying of the Light), notre précédent film avec Paul Schrader, nous a été volé par les producteurs, qui l’ont remonté à leur guise. C’était rude, et on avait envie de refaire quelque chose ensemble, mais avec le final cut cette fois-ci. Paul a mis la main sur ce scénario que je trouvais super, j’avais un peu connu Edward Bunker (auteur du roman originel, ndlr), et quand j’ai appris que Willem allait participer, c’était la cerise sur le gâteau.
WD : Je connaissais aussi Eddie, puisque j’avais joué dans Animal Factory de Steve Buscemi, film également adapté d’un de ses romans. Paul, on a fait sept films ensemble, quand à Nic, c’était une joie de le retrouver vingt cinq ans après Sailor et Lula.
Nicolas, c’est vous qui avez eu l’idée de faire de votre personnage un cinéphile fan de Bogart ?
NC : Absolument. Troy rêverait d’être Humphrey Bogart, un vieux gangster chic dans un film en noir et blanc (et c’est pour ça que sa première scène est filmée ainsi). Hélas pour lui, il n’est qu’un petit malfrat qui a passé l’essentiel de sa vie en prison. Ça m’intéressait de jouer un type qui se ment à lui-même.
C’est un acteur qui a beaucoup compté pour vous ?
NC : C’est simplement le meilleur. Brando, Dean, Jerry Lewis sont des maîtres pour moi, mais Bogart occupe une place à part. Sa voix… Et son jeu à la fois flegmatique et extrême. Aujourd’hui, tout le monde joue de la même manière, de façon naturaliste. Le jeu de Bogart, c’est de l’art abstrait.
Aucun de vous deux n’est naturaliste — vous l’avez même théorisé, Nic, en appelant votre style ‘Nouveau Chamanique’, et c’est vrai que la mode est au naturalisme. Ca a pu vous mettre en position d’outsider ?
NC : Oui. Et ça ne me pose aucun problème.
WD : Cela peut être très bien le naturalisme, mais ça ne devrait pas être le seul étalon. Les séries télé imposent ça, un jeu relax, bien élevé, psychologique, et aujourd’hui beaucoup d’acteurs viennent de là. Moi, j’ai toujours admiré Nic pour sa capacité à bouger les lignes.
NC : Willem peut très jouer de façon naturaliste, comme il l’a fait dans Antichrist. Et moi aussi, je sais le faire. Mais ça ne nous intéresse pas. On a envie d’éclater les formes. La comédie n’est pas différente des autres arts, et plusieurs styles devraient pouvoir coexister : abstrait, réaliste, baroque…. On m’a souvent dit « Nic, t’es over the top« . A ça, je réponds : « montre-moi le top, et je te dirais si je suis au-dessus ou au dessous« …
WD (mort de rire) : Nic ne peut pas être over the top, puisqu’il ne sait pas où est le top !
Vous pensez l’avoir déjà atteint ?
NC : Une ou deux fois oui… C’est assez douloureux. Là je m’apprête à tourner un film pendant vingt-quatre heures, non stop, et je crois que ça va être… disons intense. Ca s’appelle SouthernFury, et à vrai dire je n’ai aucun idée de là où je mets les pieds. Je m’attends à trouver un environnement hostile, mais ça m’amuse. Personne ne sait très bien à quoi s’attendre…
Le réalisateur sait tout de même, non ?
NC : Pas vraiment… Il sait que je vais avoir l’air un peu différent, que je vais avoir la mâchoire bloquée, que j’ai envie de faire une performance. Et on va partir de là (il éclate de rire) !
Willem, vous avez joué dans des films de super-héros (Spiderman, bientôt Justice League), Nicolas, en revanche, après Ghost Rider 2 (et en mettant de côté Kick Ass), vous n’avez pas profité de cette manne… Vous le regrettez ?
NC : J’ai failli être Superman, ça ne s’est pas fait, et je n’ai aucun regret. Je suis heureux d’être sur ce sombre chemin qu’on appelle le cinéma, et advienne que pourra…
Dog Eat Dog de Paul Schrader (USA). Avec Nicolas Cage, Willem Dafoe, Melissa Bolona. Quinzaine des Réalisateurs.
{"type":"Banniere-Basse"}