Rencontre avec Sean Penn, qui présente en Compétition « The Last Face », sa première réalisation depuis « Into The Wild » . Javier Bardem et Charlize Theron y vivent un amour impossible au rythme des guerres d’Afrique où ils s’engagent…
Votre engagement dans des zones de guerre est connu de longue date, mais n’avait pas encore été aussi directement représenté dans une de vos réalisations. Qu’est-ce qui vous a donné envie de le porter à l’écran ?
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D’abord le scénario d’Erin Dignam, couplé à l’opportunité de rassembler ces deux acteurs exceptionnels, qui m’a interpellé en tant que réalisateur. Je suppose bien sûr qu’un certain nombre de liens avec ma propre vie ont effectivement créé une excitation supplémentaire. J’y ai en tout cas vu une histoire très pertinente sur les façons de préserver notre monde, et les façons de préserver nos relations personnelles.
Les deux personnages principaux ont des vues opposées sur le moyen d’agir dans les zones de guerre – l’un est politique, l’autre plutôt du côté de l’action. Est-ce un reflet de votre propre dilemme ?
C’est un dilemme que je partage, oui. Je vis un questionnement incessant sur ce sujet. Et c’est un questionnement extrêmement sain, que je l’ai naturellement laissé se répercuter sur ce que je crée.
Était-il évident de placer au cœur du film une histoire d’amour ? Avez-vous envisagé d’exprimer cette dualité différemment, avec par exemple deux amis, ou deux rivaux ?
L’histoire d’amour et l’histoire des conflits au Liberia et au Sud-Soudan en arrière plan sont pour moi deux aspects du même problème. Beaucoup des réactions que suscite le film tendent à se concentrer sur un seul aspect, à le voir comme un film d’amour, un film de guerre, un film sur les réfugiés. Mais je ne suis pas sûr que ce soit une histoire d’amour. Je vois deux personnages aux vues divergents, aux rêves divergents, qui se confrontent l’un à l’autre à la façon de deux pays. Et comme dans le cas d’un conflit armé, quand il n’y a pas la possibilité du compromis, on n’arrive à rien. Je m’intéresse beaucoup à cette espèce d’équivalence. Aujourd’hui, les gens ont un rapport militant à leurs intérêts personnels, même sentimentaux. Les deux personnages sont coincés par leur incapacité à envisager le compromis.
Adèle Exarchopoulos joue un rôle secondaire dans le film. Pourquoi l’avez-vous choisie ?
J’ai bien sûr vu et adoré La Vie d’Adèle. Adèle est une machine à vérité miraculeuse. Je ne dirais même pas que je l’ai dirigée : je me contente de pointer ma caméra sur elle et j’aimerais le faire encore mille fois. C’est un cadeau incroyable pour un réalisateur.
On entend également la chanson Makambo de Geoffrey Oryema.
Je suis tombé amoureux de cette chanson, et notamment de ses paroles, qui traitent de façon très belle des guerres qui ravagent l’Afrique. C’était exactement la touche dont j’avais besoin à ce moment du film. Geoffrey Oryema sera là ce soir, et je suis très impatient de le rencontrer, ce que je n’ai pas encore eu l’occasion de faire.
Nous vivons aujourd’hui un moment crucial vis à vis des zones de conflit telles que celles dépeintes dans The Last Face. Comment souhaiteriez-vous voir les pays du Nord réagir à la crise des réfugiés ?
C’est une question délicate. Je vois en tout cas que les Américains n’y sont pas confrontés d’une façon aussi directe, urgente, immédiate que les Européens. Nous devrions pourtant nous forcer à l’être, dans nos esprits et dans nos cœurs. D’où que vienne une personne, si la famine ou la guerre la pousse à fuir, il est de notre devoir de l’aider à trouver refuge. Comment s’y prendre, comment financer ? Difficile à dire, mais ce qui est sûr c’est que ne rien faire, et laisser les populations mourir, n’est pas une option.
The Last Face de Sean Penn (USA). Avec Javier Bardem, Charlize Theron, Jean Reno. Sélection officielle: en compétition.
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