Trois ans après son road movie sur Casanova, le cinéaste espagnol Albert Serra scrute de déclin du roi soleil. Un somptueux requiem.
Chaque année, à Cannes, les festivaliers se livrent à une amusante chasse aux trésors : trouver, débusquer le diamant noir perdu dans les méandres des séances spéciales – et écarté des autoroutes officielles pour des raisons inconnues. Cette année, le film d’Albert Serra est le seul à produire cet effet conjugué de surprise et de sidération.
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Léaud chez Le Caravage
La Mort de Louis IV raconte les derniers jours en vie de Louis XIV, sorte de chronique funèbre in progress encadrée par une somptuosité picturale échappée des toiles de Le Caravage. Que le roi le plus populaire de l’histoire de France soit incarné ici par l’icône de la Nouvelle Vague, l’acteur par excellence, donne à ce portrait une forte envergure symbolique, que Serra prend en quelque sorte à contre-pied, par l’économie de sa mise scène : une chambre pour tout décor, des médecins, une poignée de conseillers.
Et au milieu, avachi sur son lit, poudré, emperruqué, vêtu d’une riche parure, Louis XIV, visage gris contacté par la douleur sous les assauts de la gangrène (son pied noircit à vue d’oeil). Serra offre à travers cette reconstitution nourrie des écrits de Saint Simon une puissante méditation sur le pouvoir et le sacré, qu’il oppose à la détérioration physique. Le monarque prend divers visages : corps malade, vieux monsieur grivois, marionnette amorphe disparaissant sous ses attributs, être aimé de sa cour dont le réalisateur restitue sans cynisme le sincère attachement.
Sous la forme d’une comédie en sourdine raillant la médecine qui en est à ses balbutiements, Serra achève son requiem dandy et crypto-royaliste avec panache, par un glaçant « sacrifice ».
La mort de Louis XIV de Albert Serra (France). Avec Jean-Pierre Léaud, Bernard Belin, Philippe Crespeau, Patrick d’Assumçao. Séance Spéciale.
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