Passé par les late night shows, l’humoriste américain Marc Maron attire des millions d’adeptes qui podcastent son émission WTF with Marc Maron. Même Barack Obama a fait le détour.
Un matin de mars 2015, un “numéro inconnu” a le toupet de s’inviter sur le téléphone de Brendan McDonald, le producteur de WTF with Marc Maron. Il laisse sonner, son interlocuteur n’aura qu’à lui laisser un message vocal. “Bonjour, ici la Maison Blanche, je souhaite savoir si vous aimeriez recevoir le Président.”
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Quelques appels plus tard, rendez-vous est pris. Au cours d’un déplacement en Californie, au mois de juin, Barack Obama fera un crochet par Los Angeles, pour participer à WTF with Marc Maron, l’un des podcasts les plus en vogue du moment.
Les services secrets ont bloqué la rue, passé la maison au peigne fin, les snipers sont perchés sur le toit du voisin… la voie est libre. Trois hélicoptères atterrissent et Barack Obama, tout swag dehors, déboule dans le fameux garage où Marc Maron enregistre (lui-même) ses podcasts depuis bientôt sept ans.
Barack Obama aborde tous les sujets lors de son invitation
S’ensuit une conversation décontractée et passionnante, ponctuée d’éclats de rire et de “man” déroutants. Il est question du journal intime du jeune Barack, de ses filles, et de sujets aussi épineux que le port d’armes et le racisme – le 18 juin, quatre jours avant l’enregistrement, un jeune suprématiste blanc ouvrait le feu dans l’église de Charleston (Caroline du Sud), tuant neuf fidèles noirs.
Plus de cent millions de téléchargements
L’humoriste, qui reçoit pour la première fois un invité politique, proclame : “C’est un grand jour pour notre pays, pour moi et pour mes chats.”. Ce sont plutôt des comédiens qu’il accueille habituellement au Cat Ranch (le garage qu’il partage avec ses chats chéris) : Robin Williams, Ben Stiller, ou Zach Galifianakis, pour n’en citer que quelques-uns.
Que le podcast soit inclus dans la stratégie de communication du chef d’Etat n’a rien d’étonnant. Depuis ses débuts en septembre 2009, WTF with Marc Maron compte plus de cent millions de téléchargements.
Colérique, envieux, angoissé
L’émission est née d’un fâcheux concours de circonstances. “Je venais de me faire virer, je sortais d’un divorce, j’avais des problèmes d’argent et pas grand-chose à faire, alors je me suis lancé là-dedans”, explique Maron. Les premiers épisodes sont enregistrés dans les studios d’Air America (son ancien employeur), où il s’introduit après la fermeture, faisant monter les invités par l’ascenseur de service. “J’invitais surtout des artistes pour parler de mes propres problèmes”, admet celui qui compilait les addictions.
“Je n’ai aucune restriction, je suis mon propre boss”
Colérique, envieux, angoissé, Marc Maron ne cherche pas à taire ses névroses. C’est cette honnêteté, entre autres, qui met ses interlocuteurs en confiance. Malin, très attentif, le brillant intervieweur guide la conversation l’air de rien, et capte souvent des instants d’une rare intensité. Comme lorsque Louie CK livre son ressenti quant à leur amitié orageuse, ou que feu Robin Williams se confie sur son mal-être. Les entretiens ont souvent une dimension cathartique.
Maron ne ressemble pas aux humoristes américains traditionnels. Exit le costume satiné, le sourire Colgate et les interviews express rigolotes. Ce qui s’explique en partie par le choix du média : “Je n’ai aucune restriction, je suis mon propre boss”, expose-t-il.
Un enfoiré repenti
Le quinquagénaire donne plutôt dans la chemise de bûcheron ringarde, a souvent les cheveux mi-longs et une barbe hirsute – il attribue d’ailleurs ses échecs à l’absence de “bon style pileux”. Son humour n’est pas très conventionnel non plus. Amer, cynique, cassant. Ce qui lui a joué des tours.
Le comique a commencé le stand-up à la fin des années 1980, et fait quelques apparitions dans des late night shows, sans jamais rencontrer le succès escompté. “L’Amérique ne m’avait pas remarqué”, plaisante-t-il. Il faut dire qu’il maîtrise l’art de l’autosabotage. Sa performance la plus magistrale étant probablement son audition avec Lorne Michaels, créateur du Saturday Night Live et pape de la télévision américaine – ce dernier et Marc Maron l’évoquent dans un podcast.
Durant le rendez-vous, Maron plane, il est obnubilé par une assiette de bonbons posée sur le bureau. Persuadé qu’il s’agit d’un test, il s’efforce de ne pas piocher dedans et de suivre la conversation. “Les comédiens sont comme les singes, dégoise Michaels. Les gens vont au zoo et aiment le lion parce qu’il fait peur, l’ours parce qu’il est intense, mais c’est le singe qui fait rire.” Et Maron de lâcher : “Oui, s’ils ne te jettent pas leur merde dessus.” S’ensuit un combat de regards ridicule qui ne fait qu’accroître le malaise. Maron baisse les yeux, chipe un bonbec. C’est cuit pour lui.
Malgré tout, la chance a tourné. Maron est un enfoiré repenti. Le trublion s’est canalisé, apaisé par cette reconnaissance tant espérée, mais reste un brin narcissique. Le succès du podcast lui a permis de publier un second livre (Attempting Normal), et de tourner une série sobrement intitulée Maron, dont il est le protagoniste. L’humoriste a donc du pain sur la planche, et passe des heures à travailler au Cat Ranch. Comme le dit le T-shirt sérigraphié qu’il arbore avec fierté sur les réseaux sociaux, Marc Maron n’a décidément rien de la “vieille à chat classique”. Jeanne Venosta
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