« Le Parc » est une œuvre miraculeuse sur l’amour et l’adolescence.
Deux courts et un long nous l’avaient déjà laissé pressentir : en toute discrétion (notamment parce qu’il use de formes élémentaires et courtes, de véritables haïkus filmés), Damien Manivel est l’un des auteurs les plus passionnants du jeune cinéma français. Le Parc vient confirmer ce pressentiment.
Un film onirique sur l’adolescence
A vrai dire, c’est même le film qu’on fantasmait de le voir faire, soit un objet d’un minimalisme absolu, d’une quiétude souveraine et majestueuse, qui résonne bien plus amplement que l’histoire de rien du tout qu’il semble nous raconter.
Deux adolescents se rencontrent dans un parc. C’est un rencard : ils se posent des questions banales, sans pour autant sembler gênés. Le rituel de drague n’est pas très naturel, mais néanmoins doux et familier : promenade, conversations, jusqu’à un baiser tendre, puis une séparation. Tout se renverse alors. La jeune fille reste assise là, textote son jules volatilisé, qui se révèle très fuyant. On n’en dira pas plus, sinon que ce long plan, où la lueur de l’iPhone éclaire son très beau visage gagné par la déception, tandis que le jour s’éteint et que défilent à l’écran les messages pianotés, est un des plus beaux qu’on ait vus ici.
Le miracle Manivel, c’est cette faculté prodigieuse de faire corps avec la lumière, avec le temps, avec l’air. La sensation de voir évoluer ces variables comme des flux mouvants, déliquescents, absolument pas figés par la prédéfinition des plans. Dans cette espèce d’état de nature du cinéma, de rayonnement primitif que le décor du film (un parc, donc un jardin d’Éden) traduit parfaitement, ces deux jeunes amoureux, malgré leur maladresse, la trivialité de leurs rapports, ont en eux comme une essence du masculin et du féminin.
Le Parc, dont il ne faut pas dévoiler la suite proprement onirique, est une épiphanie.
Le Parc de Damien Manivel (France). Avec Naomie Vogt-Roby, Maxime Bachellerie, Sobere Sessouma. ACID.