Insultés, menacés, battus et parfois même violés. Pour mettre fin aux violences que subissent quotidiennement les migrants LGBTI dans les centres d’hébergement d’urgence de la capitale allemande, le Land de Berlin et une association d’aide aux homosexuels ont ouvert au début de l’année un foyer destiné aux réfugiés homo et trans. Visite.
C’est un immeuble flambant neuf, un de ceux qui poussent comme des champignons sur les friches de la capitale allemande ces dernières années. Une rue paisible de Treptow, un quartier considéré comme « ne posant pas de problèmes » par la police berlinoise. L’adresse est tenue secrète, les entrées et les sorties des résidents et des visiteurs sont strictement contrôlées par le service de sécurité. Le foyer de 120 places, qui comporte une trentaine de chambres et d’appartements pouvant accueillir quatre à six personnes, a ouvert ses portes en février.
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« Il nous faut du temps, la plupart d’entre eux sont traumatisés, ils ne veulent pas parler », nous avait alors prévenu Marcel de Groot, directeur de la Schwulenberatung, une association berlinoise qui vient en aide aux homosexuels, qui est à l’initiative du lieu. Certains ont vu leur compagnon assassiné sous leurs yeux par des terroristes de l’Etat islamique, d’autres craignent les représailles de leur famille. Parmi la cinquantaine de réfugiés LGBTI qui vivent actuellement dans le foyer, on trouve aussi bien des Syriens que des Iraniens, des Russes et des Turcs. La grande majorité des résidents sont de jeunes homos de moins de 25 ans.
« J’ai été incarcérée parce que je distribuais des préservatifs »
Par cette après-midi ensoleillée du mois de mai, Dalila (*) accepte de nous parler. « Ça dépendra des questions ! », lance-t-elle dans un français parfait. On évitera donc soigneusement les détails qui pourraient trahir son identité. Cette activiste trans d’une trentaine d’années a profité d’une invitation à un colloque qui s’est tenu l’an dernier à Berlin, pour lequel elle avait obtenu un visa, pour quitter définitivement l’Algérie :
« J’ai eu beaucoup de problèmes là-bas car je faisais partie d’une association de lutte contre le sida. Je travaillais avec les personnes transgenres, les prostituées. J’ai été incarcérée parce que je distribuais des préservatifs, ce qui est extrêmement puni par la loi algérienne, c’est vu comme une incitation à la débauche. »
Elle explique n’avoir jamais réussi à trouver un travail dans son pays après avoir obtenu son diplôme en marketing, parce qu’en tant que trans, elle est « voyante ». Et malgré une famille qui s’est montrée compréhensive, avoir dû craindre chaque jour pour sa vie – « quand tu sors de chez toi, tu ne sais pas si tu rentreras le soir, si tu ne vas pas te faire agresser ou tuer » -, dans un pays où l’homosexualité est illégale :
« Si tu es transgenre, gay ou lesbienne, c’est toi le fautif, même si quelqu’un t’agresse ou abuse de toi, c’est toi le problème. Je ne peux pas vivre là-bas. »
Plus de 90 incidents signalés dans les foyers pour réfugiés à Berlin
Dalila attend donc depuis plusieurs mois une réponse des autorités allemandes à sa demande d’asile, et enrage, au vu de sa situation, d’être cataloguée comme venant d’un « pays sûr », comprendre par là où il n’y a pas la guerre. Elle prend des cours d’allemand pour « ne pas perdre de temps », même s’il lui faut encaisser « les mauvais regards » des réfugiés arabes durant les cours.
Avant d’obtenir une chambre au foyer destiné aux réfugiés LGBTI, elle a eu la chance d’être logée à l’hôtel pendant plusieurs mois par les services sociaux du Land de Berlin, sensibilisés aux problèmes que subissent les migrants homo et trans dans les foyers d’hébergement pour réfugiés. « Plus de 90 incidents ont été signalés à Berlin ces derniers mois, mais nous pensons qu’en réalité il y en a eu bien plus », explique Barbara Loth (SPD), secrétaire d’État à l’Intégration du Land de Berlin.
« Les migrants LGBTI ignorent souvent qu’ils ont droit à une protection contre les discriminations, donc ils ne viennent pas à l’idée de signaler ce qu’ils subissent. »
Marcel de Groot donne l’exemple d’un jeune homme qui lui a confié que c’était comme s’il avait retrouvé à Berlin ceux qu’il avait fui en quittant son pays. Il évoque aussi l’angoisse d’un jeune Égyptien qui, par peur d’être agressé, est parvenu à cacher durant des semaines aux trois autres réfugiés avec qui il partageait une chambre dans un centre d’hébergement qu’il était homosexuel.
« Il avait l’impression de devoir faire attention 24 heures sur 24 à ce qu’il disait, à sa façon de bouger et à ce qu’il faisait. Il s’était lui-même fait prisonnier. »
Une fois arrivés à Treptow, les réfugiés homo et trans peuvent enfin souffler :
« Ils savent qu’ici, on est entre nous. Mis à part les agents de sécurité, toutes les personnes qui travaillent ici sont gay, lesbiennes ou trans, cela était important à nos yeux », explique le directeur de la Schwulenberatung.
Même si leur arrivée ici ne résout pas leur problème fondamental, insiste-t-il : « Ils ne savent toujours pas s’ils pourront rester en Allemagne. »
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