A Mexico, chronique de la vie urbaine autour de l’autel de la Santa Muerte, déesse-squelette à laquelle les laissés-pour-compte de la ville vouent un culte immense depuis une quinzaine d’années.
On connaît bien le folklore de la mort au Mexique, qui donne lieu à toutes sortes de manifestations kitsch et débridées. Mais un cran supplémentaire a été franchi avec l’institution officieuse d’une sainte patronne inconnue du calendrier, la Santa Muerte. En 2001, une habitante de Mexico, Doña Queta, a installé avec son mari un autel votif dans le quartier très populaire, réputé dangereux, de Tepito où, dans une vitrine, la Faucheuse trône en habit de lumière.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pierre-Paul Puljiz a suivi l’activité (intense) des lieux quelques jours avant la Toussaint, période la plus importante de l’année pour les nombreux adeptes de ce culte mortifère, résolument hors catholicisme, qui a des airs de satanisme bon enfant. Car ce culte se pratique sous couvert de superstition bienveillante et de prières a priori bénéfiques. Mais comme celles-ci sont souvent formulées par des délinquants ou toxicos, qui voient là une manière de se repentir ou d’être absous à bon compte, cela reste assez trouble.
Une plongée sans filtre
Au cours de sept épisodes, on assiste donc essentiellement aux célébrations, aux prières et aux alleés et venues des visiteurs et des voisins. Notamment un certain Charlie et sa femme, qui confessent leur vida loca (toxicomanie, prison, etc.) en fumant des pétards non-stop, ou diverses figures locales (prostituées, boxeur) qui se raccrochent à ce squelette endimanché représentant pour eux une sorte de talisman.
La beauté de la série réside dans son aspect brut, dans sa plongée sans garde-fou et sans filtre au sein de ce microcosme urbain des plus grouillant et sauvage (où un meurtre aura lieu le soir du 31 octobre). Une sorte de cour des miracles contemporaine, si l’on veut ; appellation appropriée pour ce coin de la capitale mexicaine, où comme dans d’autres lieux de la planète on pressent le retour du Moyen-Age.
Un instantané saisissant
Cette chronique de Tepito mériterait un vrai long métrage, au lieu d’une web-série qui a le défaut de morceler le réel, de l’émietter. Contrairement à une série “à suivre” ou bien constituée de récits indépendants, La Santa Muerte est presque un instantané, tourné en six jours ; le passage du temps n’y est pas perceptible.
Si dans le récent In Jackson Heights de Frederick Wiseman on côtoyait un peu le même type de faune bariolée (et latino), la construction et la durée permettaient une réelle immersion. Ici, les personnages et activités sont saupoudrés. Mais l’instantané donne tout de même une idée du climat d’un quartier aussi pauvre que coloré. On se contente donc de cet aperçu saisissant.
La Santa Muerte, vierge des oubliés web-série documentaire de Pierre-Paul Puljiz. Sur Irl, YouTube, Dailymotion
{"type":"Banniere-Basse"}