Jim Jarmusch revient en compétition officielle avec « Paterson ». Adam Driver incarne un poète dans ce film empli des secrètes beautés du quotidien…
Membre de l’aristocratie cannoise depuis la révélation de Stranger than Paradise à la Quinzaine 1984, Jim Jarmusch revient saupoudrer la Croisette de son dandysme rock’n’rollien précieux et de son élégance minimaliste.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dans la bourgade d’Allen Ginsberg
Paterson, c’est le titre de son nouveau film, le patronyme de son personnage et le nom de la bourgade du New Jersey où est située l’(in)action. Le film nous apprend sans pédantisme que cette jolie smalltown de briques rouges et de parcs à cascades fut celle de Costello (moitié du duo comique pionnier Abbott et Costello) ou que Allen Ginsberg y vécu longtemps. Jarmusch nous déplie justement le semainier d’un poète (Adam Driver, bien), un prosateur amateur dont le vrai métier est chauffeur de bus et qui vit dans une petite maison avec son amoureuse (Golshifteh Farahani, pleine de fantaisie) et leur bouledogue.
Leur quotidien est réglé comme papier à musique : pour lui, réveil à 6h15, petit dej, bus, retour à la maison, promenade du chien et bière au bar du quartier ; pour elle, tout peindre en noir et blanc de la déco aux robes, de la roue de secours de la voiture au cupcakes. Lui écrit des poèmes réalistes en prose dès qu’il a un moment de libre et elle aimerait bien qu’il les publie, mais rédiger ces textes semble suffire à son bonheur. Ils vivent une existence simple, banale, modeste mais qui les rend foncièrement heureux.
Cinéma zen
Le film avance à pas de chat. Au début, il semble ne pas se passer grand chose de décisif et on se dit que tout cela est très mignon mais bien léger. Mais Jarmusch procède comme toujours par addition de détails et de rituels, sans rien bousculer, sans rouler les mécaniques, sans créer d’événement scénaristique spectaculaire. Il filme nonchalamment les façades de briques en se souvenant d’Akerman, les conversations plus ou moins anodines entendues dans son bus en se souvenant des poètes, les propos et saynettes de bistrot en se souvenant des bluesmen et autres icônes oubliées de la pop culture américaine. Et toujours avec cette bienveillance, cet humour qui ne déclenche pas le fou rire mais le sourire.
Jarmusch filme aussi la chose la plus difficile : la vie heureuse, le bonheur, un quotidien zen totalement dénué de conflit et d’hubris. Ce manque d’ambition apparent des personnages (il veut juste écrire ses poèmes et vivre durablement son couple, elle veut juste ouvrir une pâtisserie) est peut-être le summum de l’ambition. Tout roule jusqu’au jour où tout se dérègle… Mais même le drame est infra, à la mesure de toutes choses chez Jarmusch.
Paterson n’est sans doute pas un immense chef-d’oeuvre mais un film bourré d’un charme infectieux qui dit que la vie peut être pacifique pour peu qu’on sache faire son miel de ses secrètes beautés quotidiennes. Et le bouledogue est excellent : dog palme.
https://www.youtube.com/watch?v=div6UPJYGvk
Paterson de Jim Jarmusch (USA). Avec Adam Driver, Golshifteh Farahani. Sélection officielle: en compétition.
{"type":"Banniere-Basse"}