Pour son second long métrage, Rachid Djaidani confronte le mythe Depardieu au rappeur Sadek…
Le retour de Rachid Djaïdani sur les terres qui l’avaient révélé (Rengaine, Quinzaine 2012). Toujours habité par le destin de la jeunesse française originaire du sud de la Méditerranée, Djaïdani s’est, au choix, déradicalisé en visant un cinéma plus grand public, ou intelligemment ouvert pour plus largement faire passer son espérance d’un pays moins écartelé par ses extrêmes sinon réconcilié.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Une version rap 2016 du Vieil homme et l’enfant
Le discours politique prend ici la forme d’un road-movie où font équipe désaccordée un jeune rappeur rebeu et un « souchien » vieillissant et raciste en une sorte de version rap 2016 du Vieil homme et l’enfant (et de tous les buddy ou Weber movies auxquels vous pouvez songer). On est donc embarqués dans un van sur la route des ports peints par Joseph Vernet où s’opposent vieillesse et jeunesse, catholicisme et islam, peinture et tags, chanson à texte et rap, beauferie et NTM attitude. Soit un catalogue des dissensions qui n’en finissent plus de fracturer la France.
Ajoutons-y l’opposition entre le monument Depardieu et le novice Sadek, entre exubérance Auguste de l’un et l’introversion Clown blanc de l’autre. Djaïdani tente de soigner les maux par les mots, par l’humour et par les arts – fussent-ils mineurs. Il parie sur le rire comme espace le mieux partagé et vecteur le plus rassembleur (Gros Gégé rappe la Marseillaise, grand moment). Sur les paysages français qui trouvent leur beauté aussi bien dans les monuments historiques que dans les quartiers tagués. Et sur la poésie, qui trace une lignée de Baudelaire aux flows contemporains, en passant par Lama ou Reggiani.
Entre les rires s’insèrent quelques instants d’émotion forte, comme quand Serge Desmoulins/Depardieu fredonne une chanson de Reggiani en pensant à son fils, qu’il n’a pas revu depuis des années. Il est pudiquement filmé de dos et à légère distance, mais on jurerait « voir » ses larmes…car nous pensons peut-être à la même personne que lui.
Tour de France dispense moins de tchatche, de punchlines et d’âpreté que Rengaine, il est plus mûr, plus apaisé, non exempt de quelques scories didactiques ou dialogues trop explicites. Mais il dit la même chose : on n’est pas obligé de tous se kiffer mais écoutons-nous, parlons-nous. Sortons de nos entre-soi et ne réduisons pas l’autre aux gros titres des médias ou à nos préjugés.
En regardant et rêvant ainsi la France, Rachid Djaïdani fait œuvre de service public. Et œuvre tout court.
Tour de France de Rachid Djaïdani (France). Avec Gérard Depardieu, Sadek. Quinzaine des réalisateurs.
{"type":"Banniere-Basse"}