Un parc d’attractions entièrement consacré au sexe. C’est là le concept d’ErotikaLand, ambitieux projet brésilien dont l’aboutissement est prévu pour juin 2018.
Piracicaba, près de Sao Paulo. Un projet d’envergure se prépare. En 2018, le Brésil sera la terre d’éclosion d’Erotika Land, un parc d’attractions exclusivement consacré au sexe. Deux ans avant son ouverture, ErotikaLand est désigné par Inquisitr comme « The Disney World of Sex ». Un projet qui s’exprime en chiffres: 250 nouveaux emplois, 150 000 m2 de surface, pour cent dollars le billet d’entrée (réservée aux plus de 18 ans, naturellement).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Au menu ? Un hôtel accueillant go go danseurs et danseuses, une piscine pour nudistes, un musée de l’érotisme, un restaurant généreux en produits aphrodisiaques et un store empli de jouets pour adultes. En outre, ce temple moderne du désir sera parcouru de sculptures aux positions équivoques. Comme l’indique Slate, les chanceux pourront même s’installer dans un cinéma 7D, au sein d’une salle constituée de fauteuils vibrants privilégiant, à l’instar des vidéos pornographiques en réalité virtuelle, l’état d’immersion le plus total.
Sur le papier, ErotikaLand est la symbiose entre un centre commercial à l’américaine et une fête foraine un peu trash. Des auto tamponneuses en forme de parties génitales font face à un train fantôme érotique. A l’intérieur, des jeunes hommes et femmes à moitié dénudés y remplacent les monstres habituels. L’entrepreneur du projet, l’homme d’affaires Mauro Morata, rassure les associations catholiques locales en précisant dans The Telegraph « ce ne sera pas un lieu pour les nonnes, mais d’un autre côté, ce n’est pas comme si nous souhaitions refaire Sodome et Gomorrhe ». En tête de ces restrictions suggérées par Morata, celle-ci : il est interdit de faire l’amour en public.
Parcs et fornications, les lois de l’attraction
Si The Sun définit ErotikaLand comme « le premier parc d’attractions consacré au sexe« , l’affirmation n’est que partiellement exacte. Il semble plus pertinent de le concevoir comme l’aboutissement de démonstrations antérieures, chacune ayant produit leur petit effet à l’international. En 2004 déjà, le Jeju Love Land, situé sur une île de Corée du Sud, proposait d’identiques excentricités. Le parc Love Land est, comme l’indique la phrase d’accroche, est « un lieu où le visiteur peut apprécier la beauté naturelle de l’amour« . La définition du projet ErotikaLand témoigne d’un petit air de déjà vu: à l’époque, le parc naturel coréen était déjà institué par Der Spiegel comme le « Disneyland Salace« .
En ce décor pastoral où se réunissent les jeunes couples (le parc est surnommé Honeymoon Land) 140 statues singent les positions du Kamasutra. L’art grivois est de mise: des chiens en pleine fornication, des femmes géantes aux poitrines généreuses, ou encore un pénis disproportionné chevauché par une demoiselle aux tétons pourpres… Au coeur de cette orgie ludique (il est possible de faire mouvoir certaines sculptures en actionnant des leviers) se trouve une reconstitution de l’Alien créé par le plasticien/designer HR Giger pour le film éponyme de Ridley Scott. La créature, du haut de ses deux mètres, est pourvue de tentacules phalliques, claire évocation de la culture japonaise du hentai…
Selon Der Spiegel, Love Land est « l’île de l’éducation sexuelle« . ErotikaLand quant à lui promet de promulguer l’usage du préservatif. Une pédagogie sexuelle (directement associée à la vente, sur place, de sex toys) qui en 2006 était au coeur de l’Amora Sex Theme Park (sous-titrée The Academy of Sex and Relationships), une attraction londonienne enseignant au public les lois du plaisir. Au sein de l’espace Sensorium il est ainsi possible d’interagir avec quelques « sex robots », tandis que dans l’Orgasm Tunnel retentissent des sons d’orgasmes. Une animation explique au visiteur ce qu’est le point G et comment l’atteindre, tandis que le « Spankometer », parodie de jeu de fête foraine, incite à fesser un faux postérieur pour lui procurer des sensations douces.
En somme, si ErotikaLand se vend comme un détournement pervers des structures tout public (DisneyLand), l’idée ne date pas d’hier. Citons à ce titre la création en 2014 de Funland, une exposition proposée par le Museum of Erotica de New York, sous-titrée « Plaisirs et périls du souterrain érotique ». Funland détournait déjà les codes et l’esthétique de l’aire de jeux traditionnel. Poufs moelleux sur lesquels rebondir, mur d’escalade constitué de sexes en érection, château gonflable composé de glandes mammaires, jeux de course à base de phallus dorés…Mettre en scène l’obscène, c’est là le concept charnière de Fun Land, Love Land et Amora, dont Erotika Land se ferait l’organique excroissance.
ErotikaLand, une oeuvre de Jeff Koons ?
Le directeur du Museum of Sex de New York, Mark Snyder, vendait son Funland comme une réécriture moderne des « foires [de] l’ancien temps« . En écho, ErotikaLand s’inscrit dans la tradition du Carnaval, cette imagerie folklorique conférant ses formes à une sexualité transgressive.
Plus encore, les acrobaties sculpturales et l’omniprésence des spectacles érotiques renvoient à tout un pan de l’art contemporain érotico-porno, des sculptures grotesques de Hans Bellmer à la crudité graphique d’un Paul McCarthy. On pense surtout au kitsch revendiqué d’un Jeff Koons en imaginant ce « Disneyland de l’érotisme ». L’idée d’une ode grandeur nature à la copulation était la note d’intention de Koons lorsqu’il conçut en 1991 « Made in Heaven », sa série de photographies produite en compagnie de l’actrice pornographique italienne Iilona Anna Staller (la Cicciolina, de son nom d’artiste). Chez Koons, le tabou ne fait pas office de provocation gratuite, mais jugule la ligne directrice d’une esthétique à part entière, centrée sur les relations amoureuses. « La sexualité, c’est l’objet principal de l’art » déclarait Koons pour Le Monde. Cet adage ferait-il d’Erotika Land une oeuvre d’art radicale ?
En attendant que ses portes s’ouvrent et que les touristes affluent, on peut toujours se demander si le parc d’attractions brésilien fera des émules chez nous. Si succès il y a, cette conception des rapports intimes à la sauce entertainment peut-il s’exporter ? Y’aura-t-il un Parc Astérix du X ?
{"type":"Banniere-Basse"}