Nul doute qu’avec Zidane, un portrait du XXIe siècle, les deux artistes Philippe Parreno et Douglas Gordon pensaient réaliser l’ultime tombeau d’un des plus grands génies du football. Déclinant déjà depuis quelques années, et les déroutes successives de la Corée et de l’Euro 2004, enchaînant les années blanches avec le Real Madrid, Zinedine Zidane n’était […]
Nul doute qu’avec Zidane, un portrait du XXIe siècle, les deux artistes Philippe Parreno et Douglas Gordon pensaient réaliser l’ultime tombeau d’un des plus grands génies du football. Déclinant déjà depuis quelques années, et les déroutes successives de la Corée et de l’Euro 2004, enchaînant les années blanches avec le Real Madrid, Zinedine Zidane n’était plus, sur un terrain, que l’ombre de lui-même, et c’est cette ombre même que les deux réalisateurs avaient semblé poursuivre avec leur dix-sept caméras 35 mm arrangées, pour un soir, tout autour du stade Santiago Bernabéu. C’était, bien sûr, avant le début d’un nouveau Mondial qui paraissait si totalement voué à l’échec qu’il était à peine utile de le mentionner. La suite est déjà si célèbre que rien ne sert de la rappeler. La finale seule importe ici puisque, face à la proposition cinématographique de Parreno et Gordon, elle proposa un autre tombeau, médiatique celui-là, qui en était comme le double inversé. Entre Zidane, un portait du XXIe siècle et “le 9 juillet”, les similitudes sont, de fait, troublantes. De part et d’autre, un but de ZZ en personne et une expulsion (à la 90e minute avec le Real, à la 110e avec l’équipe de France). Mais si le scénario était assez proche, les dramaturgies étaient, en revanche, radicalement opposées. En effet, la grande idée des deux artistes pour la mise en scène de leur film était de quitter le point de vue général, proposé habituellement par la télévision, pour ne s’attacher qu’au parcours particulier du joueur Zidane. Mais, en extirpant de la sorte un individu de son cadre collectif, les réalisateurs réussissaient moins à saisir un être singulier que du simple vide habillé dans un maillot. Afin de faciliter la lecture du match, Parreno et Gordon furent en outre contraints de faire ponctuellement appel au “méchant” plan télévisuel, seul à même de redistribuer un peu plus largement les cartes du jeu. Pour la Fifa, en revanche, il n’était aucunement question de déroger, pour ce France-Italie, aux règles éprouvées d’une mise en scène classique, déroulant, avec la tranquillité d’un bon père de famille, des panoramiques au kilomètre. Ce fut bien, pourtant, un exceptionnel plan rapproché, retardataire de surcroît, et détaché de toute action de jeu, qui devait définitivement bouleverser le spectacle initialement programmé. En ce plan unique et fulgurant, ZZ renversait les 90 minutes de collé-serré du film de Parreno et Gordon et établissait d’un coup de tête les proportions idéales entre général et particulier pour son mausolée.
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