Entre gouaille Clash et réalisme social façon The Streets, l’Anglais Plan B semblait installé. Surprise : c’est en crooner soul rutilant qu’il revient. Et triomphe.
« Le plan B est la première alternative au plan principal, auquel on recourra si les conditions nécessaires au premier plan ne sont pas réunies, ou si le plan principal, pour une raison quelconque, ne fonctionne pas”, dixit la version 2.0 du Manuel des castors juniors : Wikipédia.
A notre connaissance, Ben Drew n’a fait face à aucune de ces deux situations. Au contraire, son premier album avait reçu en son temps l’accueil qu’un picciotto réserve à son capo : la tête respectueusement baissée, de peur qu’à un compliment mal interprété ne réponde une bastos mal intentionnée.
Il faut dire qu’en matière de hip-hop british on fait difficilement plus cru et désenchanté que le magistralement titré Who Needs Actions When You Got Words. Les Arctic Monkeys et The Streets parlaient comme personne de l’Angleterre d’en bas ? Drew, lui, s’y révélait spécialiste de l’Angleterre du fond, Alex Turner et Mike Skinner passant, au sortir de la comparaison, pour de gentils diplômés d’Eton aux chambres tapissées de posters de joueurs de polo.
Du coup, rien ne laissait présager la reconversion en soul singer dont The Defamation of Strickland Banks se fait aujourd’hui l’écho. Presque rien, si ce n’est un instinct de survie quasi darwinien, que reflétaient déjà les influences du Plan B branché beats et flow, d’Eminem à Michael Jackson, l’un se devinant ici dans une imagerie empruntée au music-hall, l’autre dans l’étonnante voix de fausset du Ben Drew nouveau.
En cela, ce deuxième album mérite une salve d’applaudissements, laquelle se mue en standing ovation à mesure que nous est narrée l’histoire de Strickland Banks, soulman à succès quittant les planches pour les barreaux lorsqu’il se retrouve condamné pour un crime qu’il n’a pas commis.
Cette tragédie contemporaine n’est à vrai dire pas l’aspect le plus enthousiasmant du disque, et on doute que son jumeau cinématographique, actuellement en production et pour lequel Plan B tiendra la caméra et le rôle principal, fasse un jour frissonner les parasols du Carlton à Cannes.
On a en effet connu le bonhomme plus intraitable sur le choix de ses mots et de ses sujets, et il n’y a guère que lorsqu’il retrouve ses vieux réflexes de “soliloquiste” corrosif que son verbe fait mouche (comme sur le zeppelinien Stay too Long). Non, là où le Londonien assure, c’est dans sa façon de s’approprier, un peu comme Jack White et pas du tout comme RJD2, avec un naturel désarmant, un patrimoine en proie à tous les brigandages.
En l’occurrence, les cuivres chaloupés, guitares lascives, choeurs étincelants et autres claviers cintrés de la Motown. Le lustre gospel de Welcome to Hell et l’urgence lyrique de The Recluse en sont des preuves irréfutables. Le public anglais ne s’y est d’ailleurs pas trompé : dès la semaine de sa parution, The Defamation of Strickland Banks trônait au sommet des charts, coiffant au poteau le duo new-yorkais MGMT. Congratulations, Mister Drew.