Avec son numéro 3 consacré à la “selle de ch’val”, la revue politique et poétique Jef Klak poursuit sa formidable aventure : explorer le monde en suivant les chapitres d’une comptine.
Sur l’intrigante couverture de Jef Klak, un homme en ciré orange à tête de cheval, debout sur un bateau en pleine mer, tient un chaton dans ses bras. Est-ce l’homme-cheval ou le regard frontal du petit chat qui perturbe le plus notre œil électrisé ?
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Difficile à dire, mais la force visuelle de la une annonce la teneur subversive et dense du numéro 3 de cette revue collective “de critique sociale et d’expériences littéraires”, créée en 2004, dont le titre lui-même dit combien l’étrangeté la traverse : “Selle de ch’val”.
Chiens à punks et singes en cavale
A travers de nombreux entretiens, textes, dessins, reportages, la revue explore ici la question obsédante de la frontière entre l’homme et l’animal, même si, comme le confie la philosophe Vinciane Despret, “cette question n’a d’intérêt qu’historique, pour diagnostiquer l’évolution des rapports, observer comment les positions se modifient et quels sont les bastions qui tiennent encore”.
Un fil autant noir que rouge relie les parties disséminées dans l’épaisse revue : faut-il brider ou débrider la relation entre l’homme et l’animal ?
Qu’il s’agisse des chiens à punks, des vaches qui rêvent du travail, des métiers de chien, d’histoires zoophiles ou de singes en cavale, Jef Klak déplace le regard sur l’idée que nous nous faisons du monde, voire de nous-mêmes, entre animalité et humanité.
La revue procède depuis son premier numéro de cette volonté de “ne pas se laisser gagner par les urgences du monde, de ne pas se contenter d’attraper les problèmes au vol, d’éviter les solutions rapides et les postures moralisantes, d’aller voir ailleurs si on y est”.
Surréaliste, oulipienne, révolutionnaire, queer, libertaire, postmoderne
La revue confie ainsi, sur la page de son organigramme à la rubrique “ambition” : “Aller au bout de la comptine.” Car une seule règle définit son cadre narratif : les thèmes de chaque numéro suivent la chanson “Trois p’tits chats “, inaugurée avec Marabout (numéro 1), puis Bout d’ficelle (2), Sell e de ch’val (3), et Ch’val de course (prochain numéro en 2017, sachant que si la revue se veut semestrielle fantasmatiquement, elle reste annuelle en réalité).
Cette contrainte de la comptine conduit ainsi les auteurs (philosophes, romanciers, poètes, chercheurs, musiciens, militants…) vers des terrains inhabituels, “d’où émergent les questions politiques et sociales qui s’y jouent”.
Assumant une méthode de travail “tâtonnante”, revendiquant un héritage à la fois surréaliste, oulipien, révolutionnaire, queer, libertaire, postmoderne, Jef Klak claque vivement dans les doigts du lecteur qui tourne les pages d’un objet singulier, tellement stimulant qu’il invite à rêver, tel un enfant, que la comptine dure toujours, jusqu’à ce que la nuit ne nous appartienne plus.
Jef Klak numéro 3 320 pages + CD, 16 €
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