Disparition brutale de l’ancien chanteur de L’Affaire Louis Trio, à l’âge de 53 ans.
C’était un drôle de Zébulon, un Zazou, un Zinzin, apparu dans les lucarnes au milieu des années 80 avec des tubes rétro pourtant parfaitement calibrés pour les FM de l’époque. Ces Chic planète, Tout mais pas ça et autres Bois ton café, bien frappés et léger comme des bulles, de champagne ou de BD. Dessinateur lui-même, Hubert Mounier se fait alors appeler Cleet Boris (turgescent pseudo qu’il conservera d’ailleurs pour des albums inspirés de la « ligne claire » et de son maître et ami, Yves Chaland), son frère Vincent était Karl Niagara et François Lebleu (décédé en 2008) Bronco Junior.
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Une odyssée pop au long cours
Personne n’aurait pu deviner qu’au tournant de la décennie suivante, L’Affaire Louis Trio se transformerait en vaisseau amiral d’une odyssée pop au long cours qui culminera avec le fantastique Mobilis in Mobile en 1993.
Le trio lyonnais, ébauché à la fin des années 70 et baptisé ainsi en 1982, aura donc mis presque quinze ans pour accomplir ses rêves fous : faire se rencontrer Charles Trenet et les Beatles, l’exotisme carton-pâte de Dario Moreno et la pop aventurière des anglais XTC. C’est en compagnie du bassiste de ces derniers, Colin Moulding, qu’ils enregistrèrent d’ailleurs plusieurs chansons de L’Homme aux mille vies, en 1995. Les vies en poupées russes, c’est une spécialité maison. En effet, sous leur légèreté apparente, les frangins Mounier portaient d’emblée un lourd dossier sur la mémoire : l’assassinat de leur père, en 1976 dans un bar de Lyon, drame inexpliqué qu’Hubert évoquera avec délicatesse au détour de Balle perdue, sur le troisième album du groupe (Sans légende, 1990). Il y avait toujours un moment, dans les conversations avec lui, où cette histoire revenait en surface, et Hubert lui attribuait sans doute à raison le fait d’avoir depuis toujours navigué entre le roman et la réalité, l’obligeant presque, par son caractère littéralement extraordinaire, à devenir une sorte de héros de fiction.
Une influence pour Biolay
Les années L’Affaire Louis Trio ont toutefois filé comme un éclair. Ils n’ont presque jamais connu que les sommets, avant la rupture fratricide avec Vincent et un ultime album surchargé (L’Affaire Louis trio, parfois baptisé Europium, en 1997) où L’Affaire n’est plus qu’un duo. De ce groupe sans véritable fan-club, on aurait pu voir avec tristesse le souvenir se perdre dans les limbes, l’affaire se classer à jamais, si un garçon, qui assistait tout jeune à leurs répétitions comme on admire une crèche enchantée, n’allait devenir leur légataire post-mortem et désintéressé. Ce garçon, c’est Benjamin Biolay, qui baptisa son premier groupe (Le Matéo Galion) en hommage à Mobilis in Mobile, et qui n’aura de cesse de les citer en interviews à l’égal de ses plus grands maîtres, Lennon ou Gainsbourg. C’est encore Biolay qui, une fois devenu influent, se débrouillera toujours pour aider Hubert Mounier à accoucher d’albums solos trop peu remarqués. Ce sera le cas avec Le Grand huit, en 2001, Voyager léger quatre ans plus tard, et plus douloureusement avec La Maison de pain d’épice en 2011.
En parallèle à l’album, Mounier publie alors une BD portant le même titre, qui raconte l’enregistrement et les rendez-vous manqués avec un Biolay alors trop occupé avec ses déboires people. Mais les deux copains seront vite réconciliés, et c’est Benjamin qui annoncera sur son compte Instagram le décès brutal d’Hubert, d’une rupture de l’aorte quelques heures après avoir posté sur Facebook, comme il en avait l’habitude, des images de comics et de pin-ups accortes. « Mon ami. Mon grand frère. Mon professeur de chanson. Tu vas me manquer atrocement, génie. Je t’aime » écrivait un BB sincèrement bouleversé par la disparition de cet artisan humble qui vivait un peu à l’écart du monde, en Ardèche, avec sa compagne et sa dernière petite fille.
De leur côté, les éditions Dupuis publiaient un communiqué pour saluer la mémoire du chanteur-dessinateur, qui travaillait actuellement à un grand projet : un essai graphique de 200 planches autour de son héros d’enfance préféré, Tarzan, le seigneur de la jungle. Hubert Mounier en était un autre, de seigneur, et sa gentillesse, la volupté de sa plume, le velouté de sa voix de crooner pop, vont atrocement nous manquer à nous aussi.
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