Le set poignant des Black Rebel Motorcycle Club, l’improbable rencontre de Tinariwen avec le Texas, la folie juvénile des Bass Drum of Death ou la douceur des Warpaint : l’Austin Psych Fest, on y était, on vous raconte.
Pour leur sixième édition du festival, les Black Angels à l’initiative du projet, ont vu les choses en plus grand. Exit les salles de la capitale du Live Music, cette année c’est en plein air que se déroule le rendez vous le plus improbable du Texas. Au pays des ribs, des Stetsons et des Bush, trois jours de musique (plus ou moins) psychédélique autour d’une soixantaine d’artistes dont on croyait la grande majorité broyée au bûcher du LSD.
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Perdu entre deux zones industrielles et l’aéroport d’Austin, on saurait tout juste qu’il y a un festival dans le Ranch de Carson Creek si des dizaines de barbus n’attendaient pas devant l’entrée du Psych fest. Au milieu d’un terrain vague bordé par le Colorado, les festivaliers doivent montrer patte blanche, carte ID en main. Pysché ou pas, on ne rigole pas avec la loi, ceux qui peuvent boire doivent être clairement identifiés, même si au bout de quelques heures il n’y a plus vraiment besoin de bracelet pour l’être…
Wolf, aux aboies !
Il est 15h, le festival se remplit péniblement, l’air lourd rend tout déplacement insupportable. L’ombre manque, seule la Levitation Tent où se produit Wolf offre la perspective d’un après-midi plus frais. Faux, pour nos aisselles, vrai pour nos oreilles. Sorte de Village People psychédélique (la préfecture du Texas a notamment recensé un indien zarbi à moitié à poil et un bûcheron reconverti en mexicain) Wolf ne danse pas, ne pas fait presque pas danser mais, envoie les riffs avec puissance et justesse. Profitant d’un ingénieur son à moitié sourd, les loups crient au chaos, et sur scène c’est à celui qui cognera son instrument le plus fort. À ce petit jeu, le batteur gagne, nos oreilles sifflent mais l’ouverture du festival est complète, dans cet aperçu de ce que nous réservent three days of psych and music.
Bass drum of death de la mort qui tue
La prestation de Ride Into The Sun, n’ayant laissé en bouche que le goût d’un grossier tribute de Black Angels, ce sont les Bass Drum Of Death qui reprennent les choses en main sur la Reverberation Stage. Le soleil à son zénith et l’atmosphère pesante rendent le public totalement inerte. Pourtant le trio du Mississipi ne se démonte pas, enchaine les titres comme les hippies au fond du ranch alignent les joints. Héritiers talentueux du rock garage US, si BDOD avait joué à la tombée de la nuit, le band aurait littéralement labouré Carson Creek. Même l’imparable Get Found n’y changera malheureusement rien… 1-0 pour la drogue et les hippies.
Besnard Lakes c’est bien, Lumerians c’est mieux
Ce ne sont pas les Besnard Lakes qui changeront la donne, d’ailleurs la formation québécoise n’y prétend pas. Tumultueux, doux, et presque mélancolique la formation pourrait se produire devant un désert que le set ne bougerait pas. Etalé sur l’herbe, on se surprend à compter les avions qui survolent la scène. 3 Boeings plus tard, le Dark Horse de Montréal tourne en rond comme un unijambiste sur un monocycle. Tout proches, les Lumerians entament leur set au risque de réveiller les spectateurs des Besnards. Sous la Levitation Tent, les riffs expérimentaux aliénés à des musiques plus électriques transcendent la discographie du groupe. Chaque morceau étant comme une (re)découverte du talent infini des californiens.
Des Touaregs au pays des cowboys
Au couché de soleil la scène est improbable. Un face à face sûrement inédit à Austin. Les turbans des Tinariwen en tête à tête avec les Stetsons du public texan. Leurs paroles, pas grand monde ne les assimilent (au Texas plus qu’ailleurs, où pour trouver le dernier Touareg venu sur place il faut remonter à l’âge ténébreux du triangle d’or.) Et au fond, même si le message est important (sauvegarde du peuple Touareg, lutte contre l’oppression…), la musique des maliens outrepasse toutes les frontières à commencer par celle du langage. Avec la douce brise texane qui se lève, la prestation prend une dimension mirifique. Timidement depuis la scène le clan Touareg répète en français puis en anglais Ça va ? It’s okay. Personne ne comprend mais tout le monde danse. Véritable rock star du désert, Tinariwen est peut être le spectacle le plus psychédélique de ce premier jour du Psych Fest. Ce n’est pas l’assemblée massée au pied de la scène qui dira le contraire.
Warpaint, sublime chorale
D’ailleurs les Warpaint elles aussi feront preuve d’une ferveur semblable. Profitant du changement de plateau Emily Kokal, principale voix du quatuor féminin, ira se prendre en photo avec Tinariwen avant de clamer haut et fort sur scène I’m a huge fan of Tinariwen, et de prévenir que ce soir elles joueront de nouveaux morceaux. Bercé par leurs voix cristallines, la courte heure avec les californiennes aura fini de nous convaincre. Warpaint offre beaucoup et, à l’image de ce soir a encore beaucoup à offrir.
Raveonettes, au bon endroit au bon moment
Nous restons sur la grande scène pour retrouver des danois visiblement ravis d’être ici. Sune et Sharin nous embarquent dans leur tumulte de guitares saturées et de riffs qui tutoient le far west et le psychédélique à merveille. Ca colle bien au décor, on aurait presque atteint le paroxysme si le duo avait joué leur Somewhere In Texas. Bien que la première moitié du set ait été un peu en deçà, la seconde explose et rend plein d’admiration. Une petite frayeur sur l’incontournable Aly Walk With Me, pensant que nous n’aurions plus de son mais seulement le retour des musiciens qui restait. Il faut attendre le refrain pour que les décibels reviennent, avec l’exaltation d’un public heureux. La suite de la soirée était toute trouvée: partageant non seulement la même loge, la même scène, et une veine musicale, The Raveonettes et BRMC ont aussi le point commun de la batteuse. Comme une évidence de voir Leah Shapiro entrer sur scène une demie heure plus tard.
Black Rebel Motorcycle Club, suprêmes.
12 ans que les BRMC sont là, 6 ans que l’Austin Psych Fest existe : autant eux que nous étions convaincus qu’ils y avaient déjà mis les pieds tant l’évidence est grande. Les conditions sont à envier: une grande scène aux tailles de petites, et un parterre d’admirateurs. Robert, Peter et Leah balanceront un puissant set de plus d’une heure, oscillant entre la douceur et l’ardeur qu’on leur connait, mais dont l’intensité est décuplée: l’électricité orageuse dans l’air, ou le Texas qui leur réussit. Robert Levon-Been l’affirme sur scène: «Right now, it’s the better place to be on Earth». Des groupes comme eux c’est précieux. Ils sont poignants. Le concert était d’une acuité rare. On regrettera seulement, et toujours, qu’ils finissent le set sur Lose Yourself.
Annelise Keestra & Boris Allin
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