Depuis mardi, le Luxembourg fait le procès des lanceurs d’alerte qui ont permis de révéler le scandale financier des LuxLeaks.
Le journaliste d’investigation Denis Robert est remonté. Depuis mardi, Antoine Deltour fait face à la justice luxembourgeoise avec Raphaël Halet et le journaliste Edouard Perrin. L’ex-employé du cabinet PriceWaterhouseCoopers risque jusqu’à 10 ans de prison et 1 million d’euros d’amende pour avoir transmis des documents fiscaux secrets au journaliste Edouard Perrin à l’origine des LuxLeaks. Des systèmes d’évasion fiscale opérés par des centaines de multinationales comme Ikea, Apple ou Mcdonald’s avec la complicité du Grand-Duché. Depuis sa mise en examen, Denis Robert – qui a notamment mis au jour l’affaire Clearstream – soutient Antoine Deltour. Il explique ce qui le révolte dans ce procès insensé, où les notions d’information et d’intérêt général n’ont pas leur place.
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Pourquoi avez-vous tenu à assister à la première audience ?
Antoine et son comité m’avait demandé d’être là. Ce n’était pas un effort d’y aller, c’était un devoir. Je sais à quel point c’est important d’être soutenu dans des moments comme ceux-là. Moi-même, j’ai été soutenu mais pas au début. On se sent vite seul dans ces tribunaux un peu froids. C’est un moment judiciaire complètement instrumentalisé. Ce tribunal ne porte de justice que le nom, ce qui se passe là bas c’est de l’injustice.
Vous avez qualifié ce procès de « kafakaïen »…
La situation est délirante. Ceux qui sont sur le banc des accusés sont les justes. Ceux qui accusent sont des voleurs, ils ont organisé le vol fiscal. On est devant la réaction d’une des quatre sociétés d’audit les plus puissantes, qui se partagent le marché mondial du contrôle des banques et des multinationales. Antoine Deltour, avec l’appui d’Edouard Perrin lui aussi accusé, nous démontre à quel point ces multinationales, qui gagnent des milliards, s’enrichissent sur le dos des Etats avec la complicité du Luxembourg. C’est une photographie hyper réaliste du hold-up permanent qui jusqu’alors était silencieux. On voit que les dirigeants de Google, d’Amazon, d’Ikea volent plusieurs dizaines de milliards d’euros aux petits contribuables. Et ceux qui sont accusés sont Antoine Deltour, Edouard Perrin et Raphaël Halet, pendant que les dirigeants ne réagissent pas.
De quoi le procès LuxLeaks est-il le symptôme ?
À mes yeux, cela va bien au delà des personnes accusées et des lanceurs d’alerte. C’est le dilemme de la France d’aujourd’hui, de cette Europe qui bafouille, qui ne trouve pas sa boussole, d’un monde où les richesses sont aux mains d’1% de la population. Il montre aussi l’aveuglement des politiques. Il faut prendre du recul et voir que ça montre la folie de ce système. Merci Patron de François Ruffin montre un patron la main dans le sac. Ce procès montre des multinationales et un pays la main dans le sac.
Michel Sapin a affirmé que la France allait aider Antoine Deltour. Qu’est-ce que vous en pensez ? Que faut-il faire pour protéger les lanceurs d’alerte ?
Il est temps. Les lanceurs d’alerte sont des informateurs, des témoins, des insiders. Toute l’histoire du journalisme s’est toujours nourrie de ces gens-là qui ont un problème éthique dans leur travail et décident de divulguer des secrets d’affaires. Il faut assumer les frais financiers de ces procès, faire valoir le secret des sources, encadrer les lois sur la diffamation. Et empêchement le harcèlement que l’on subit quand on fait ça.
Vous aviez poussé un coup de gueule sur Facebook après les révélations des Panama Papers. Qu’est ce qui vous aviez énervé ?
Ce qui m’a surpris c’est l’embrasement, l’engouement que ça a suscité, comme si on venait de découvrir que le Panama était un paradis fiscal. Michel Sapin interviewé dans Cash Investigation semblait découvrir la lune. Depuis 2001, on parle des filiales des banques françaises qui vont dans des paradis fiscaux. François Hollande disait qu’il fallait aider les lanceurs d’alerte alors qu’il n’a pas bougé le petit doigt pour Antoine Deltour. Ces questions de finance sont essentielles, il faut un discours fort pour arrêter ce grand mouvement d’évasion des capitaux. Mais à Bruxelles, on vote une directive sur le secret des affaires, c’est lamentable.
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