Le documentaire Straight / Curve, dont le tournage n’est pas encore terminé, sortira à la rentrée 2016. Il a pour ambition de bousculer les standards dans le milieu de la mode, notamment en ce qui concerne le poids et la taille des mannequins. Contactée par Les Inrocks, la réalisatrice, Jenny McQuaile, nous explique ce qui l’a […]
Le documentaire Straight / Curve, dont le tournage n’est pas encore terminé, sortira à la rentrée 2016. Il a pour ambition de bousculer les standards dans le milieu de la mode, notamment en ce qui concerne le poids et la taille des mannequins. Contactée par Les Inrocks, la réalisatrice, Jenny McQuaile, nous explique ce qui l’a poussée dans sa démarche.
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Pourquoi avoir décidé de vous lancer dans ce projet?
Jenny McQuaile – J’ai décidé de réaliser Straight/ Curve ayant grandi dans une société au sein de laquelle les filles se sentaient presque honteuses si elles ne faisaient pas la bonne taille ou ne possédaient pas les mensurations qu’il faut. Les médias et la mode ont une responsabilité envers les jeunes femmes, celle de les faire se sentir des jeunes femmes bien dans leur corps, peu importe leur taille et leur poids, tant qu’elles sont en bonne santé. C’est leur rôle de les représenter dans les pubs ou sur les défilés, sauf que c’est loin d’être le cas. J’ai donc commencé à faire des recherches sur la ces mannequins dites plus-size, et j’y ai découvert des mannequins exceptionnelles. De plus, je savais que lors de ce projet, j’allais apprendre beaucoup sur moi-même, sur la mode et sur la beauté.
Comment en est-on venu à cette norme de la taille zéro ? Dans les années 1990, les top n’étaient pas toutes aussi filiformes qu’aujourd’hui..
Dans les années 1990 les mannequins n’étaient pas si maigres, c’est vrai. Elles seraient d’ailleurs considérées comme curvy, de nos jours. Un nombre important de designers a peu à peu imposé cette norme au fil des années, les magazines et les marques ayant suivi. Ce que je veux essayer d’expliquer avec Straight/ Curve, c’est quand, comment et pourquoi la taille zéro est devenue la norme, alors que le deux tiers des femmes ne font pas partie de cette catégorie. Par conséquent, c’est un standard assez ridicule. Des femmes de toutes formes devraient être représentées dans les médias et les magazines de mode, même les plus pointus. Le rêve de ces mannequins serait d’être représentées dans les mêmes magazines, sur les mêmes shows, et donc de porter les mêmes fringues de designers que leurs collègues qui font une taille zéro. Les labels plus-size et straight ne devraient plus exister. Mais doucement, des mannequins grande taille qui commencent à se faire un nom, même s’il reste beaucoup à faire.
Selon vous, pourquoi est-ce si difficile de présenter ces mannequins comme « normales » et de les faire accepter?
Quand un mannequin plus-size fait la couverture d’un magazine, ça fait toujours beaucoup de bruit. C’est une manière pour certaines publications de recevoir davantage d’attention, puisque c’est encore un fait relativement exceptionnel. Mais le changement s’opérera seulement quand une publication, ou une marque, commencera à travailler avec des mannequins de toutes les tailles, et ce sur une base constante. Le jour où cela sera normal de voir une femme taille zéro poser aux côtés d’une femme à la taille 40, nous aurons relevé le défi. Ce n’est pas simplement une phase, une mode passagère.
Qu’attendez vous de Straight/ Curve?
Nous espérons que dans quelques années ce sera LE documentaire qui aura contribué à ce changement des standards de beauté. Ce n’est pas un film de divertissement, on espère qu’il sera utilisé comme exemple dans des écoles et universités. Pour cela, notre équipe contacte de nombreuses ONG et d’autres organisations qui pourraient promouvoir le projet. Les gens voient que des noms assez connus participent au documentaire, mais nous avons besoin du financement de tout le monde: nous venons de lancer une campagne de crowdfunding. Si toutes les personnes qui regardent le teaser font un don, nous atteindrons rapidement notre objectif. Nous souhaitons redéfinir la façon dont la société considère la beauté. On espère vraiment avoir un impact sur les prochaines générations de jeunes femmes.
https://www.kickstarter.com/projects/442900386/straight-curve?ref=nav_search
Ne pensez-vous pas que les éditeurs ont peur de ne plus faire rêver s’ils démocratisent les mannequins « normales »?
Je pense que les éditeurs utilisent cette excuse de vouloir « faire rêver », que la mode doit être inatteignable, et doit forcément faire fantasmer. Mais ce n’est plus le cas. Avec les réseaux sociaux, le public, partout dans le monde, peut faire entendre sa voix. C’est ce public qui aspire également un changement au sein des magazines et de la mode en général. Les gens veulent se voir représentés et ne veulent plus acheter que du rêve. Les marques doivent donc commencer à réellement écouter les consommateurs, sans quoi ils risquent de passer à côtés d’un très gros marché.
Pourquoi avoir choisi de ne travailler qu’avec des femmes pour ce documentaire?
C’est important pour moi d’avoir une équipe majoritairement féminine pour ce projet. Pour un sujet comme celui-ci, les femmes porteront un regard différent pour la réalisation. Je souhaite valoriser les femmes devant, mais aussi derrière la caméra. Ce film est fait par des femmes, pour des femmes, et sur des femmes. Mais je ne veux néanmoins pas isoler les hommes, l’image du corps les concerne tout autant.
Que pensez-vous du projet de loi prévu en France pour lutter contre la maigreur des mannequins?
Ce projet concernant les mannequins trop maigres va dans la bonne direction. La France est le centre la mode, mais c’est aussi le marché qui, dans un certain sens, est le plus résistant à ce changement. Il n’existe pas beaucoup de mannequins plus-size en France. Celles qui existent, comme Clémentine Desseaux – qui apparaît dans le documentaire – ont quitté la France pour New York, afin de pouvoir bénéficier de davantage de contrats. L’équipe de Straight / Curve voudrait venir filmer à Paris, au coeur de la mode, afin de comprendre pourquoi les marques sont si réticentes vis-à-vis des mannequins plus-size, alors qu’il existe une demande. Finalement, on sent les lignes en train de bouger, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe.
Propos recueillis par Cora Delacroix
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