Si un nombre croissant de marques s’engagent à ne plus utiliser de fourrure par souci d’éthique et développent des matières novatrices, le marché génère des millions. La fourrure a t-elle encore sa place dans la mode? La question divise. L’hiver approche et le froid à grands pas. Dans une bonne partie des vitrines de boutiques […]
Si un nombre croissant de marques s’engagent à ne plus utiliser de fourrure par souci d’éthique et développent des matières novatrices, le marché génère des millions. La fourrure a t-elle encore sa place dans la mode? La question divise.
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L’hiver approche et le froid à grands pas. Dans une bonne partie des vitrines de boutiques parisiennes ou dans les grands magasins, difficile de passer à côté des pièces en fourrure. Manteaux, vestes ou accessoires, les marques -luxe ou moyen de gamme- proposent des déclinaisons multiples avec des prix variés.
Lundi 19 octobre, l’association de défense des animaux PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) a lancé une campagne pour inciter ses membres et sympathisants à faire pression sur The Kooples. Il est reproché à la marque de prêt-à-porter française d’avoir ignoré les requêtes de l’association, lui demandant de cesser de vendre de l’angora et de la fourrure. PETA l’appelle à rejoindre les plus de 110 marques – dont Calvin Klein, H&M, le groupe Inditex (Zara) ou Lacoste – qui ont définitivement renoncé à utiliser de la laine angora dans leurs collections. Une prise de position loin de faire l’unanimité chez les designers: en juillet dernier, Karl Lagerfeld a présenté sa collection « Haute Fourrure » pour Fendi -spécialiste de la fourrure-, provoquant la colère des défenseurs des animaux. Si certaines marques ne semblent pas vouloir se passer de cette matière, d’autres font le choix de travailler autrement.
Des matières innovantes pour remplacer la fourrure
Cyril Ernst de chez PETA France, explique: « après une première enquête, PETA USA en a relancé une, en Asie ». Selon l’association, produire de l’angora ne serait pas possible sans souffrance et torture animale. D’après l’association, 90% de l’angora serait produit en Chine -récent amateur de fourrure-: le marché y est difficile à réglementer, mais ses exportations auraient baissé de 73%, toujours selon PETA.« Il n’y a aucune réelle traçabilité possible. L’industrie de la fourrure ne rend de comptes à personne », déplore Cyril Ernst. Depuis des années déjà, des créateurs comme Stella McCartney, elle-même membre de l’association de défense des animaux, n’utilise ni cuir, ni fourrure, ni peaux pour réaliser ses collections.
A la place, la créatrice Britannique, élevée dans une ferme biologique, travaille sur le développement de matières innovantes: elle crée des pièces en fausse fourrure (photo), des sacs en faux cuir, à l’aspect ultra réaliste. « J’ai discuté avec des jeunes femmes et constaté qu’elles ne souhaitaient même plus porter de vraie fourrure », avait-elle déclaré en mars dernier dans une interview au Guardian. Des méthodes plus coûteuses, mais Stella McCartney prône le bien être des animaux et le respect de l’environnement avant tout. Les « vrais » manteaux et accessoires en poils ne sont aujourd’hui plus considérés comme un réel marqueur social -également au vu de l’accessibilité de certaines pièces-: depuis une dizaines d’années, Selfridges ou Liberty à Londres ne vendent pas non plus de fourrure, ainsi que le site de vente en ligne luxe Net-a-porter. Patricia Ramatet, directrice d’études à l’IFM (Institut Français de la Mode), nuance: « lorsqu’on est face à des produits aussi chers que des produits en cuir ou en fourrure, est-on prêt à mettre le prix pour un produit en matière synthétique? On peut se demander si notre système de valeur est prêt à renoncer aux produits authentiques ». Au delà de la question de la souffrance animale, l’industrie de la fourrure représente un enjeu économique de taille.
Plus d’un million d’emplois dans le monde
Le marché de la fourrure pèserait 40 milliards de dollars, et emploierait plus d’un million de personnes dans le monde, dont 60 000 en Europe, d’après le European Fur Center. Le Danemark en tête, les fermes d’élevage sont établies dans 22 pays d’Europe. Illégales au Royaume-Uni, ces fermes dédiées à la production de fourrure sont souvent décrites comme « horribles » par les défenseurs de la cause animale. Pour le militant de la PETA, les emplois de cette industrie seraient « remplaçables ». Des propos que réfute Philippe Boudieu, président de la Fédération Française de la Fourrure: « Bien que tout ne soit pas parfait, d’énormes progrès ont été faits depuis 30 ans. Si les créateurs de mode utilisent davantage de fourrure qu’avant, c’est qu’ils constatent les progrès, constants, notamment en matière de traçabilité ». Selon la fédération, 95% des fourrures seraient recyclables, contrairement aux matières synthétiques et imitations. Malgré une certaine prise de conscience, si les marques produisent toujours autant de fourrure, voire plus, c’est qu’une partie des consommateurs mode en redemandent.
Une prise de conscience relativement faible
Pour certaines femmes, le côté glamour et sensuel qui émane des pièces en fourrure persiste. C’est le cas en Asie, particulièrement en Chine, où le marché de la fourrure ne cesse de croître; de fait, les créateurs répondent à cette demande. En France et dans d’autres pays occidentaux,« le plan statutaire par rapport à la fourrure n’existe plus autant qu’avant », affirme Patricia Ramatet. Difficile à mesurer, on constate qu’une relative prise de conscience s’opère en France. Patricia Ramatet va même jusqu’à établir une analogie entre le cuir et la viande que l’on consomme: « les gens font davantage le lien entre le cuir et ce que l’on mange. La fourrure, c’est différent, elle est davantage considérée comme un produit secondaire ». Sans doute la raison pour laquelle « on voit se développer des fourrures d’animaux agissant moins sur notre émotion », puisqu’uniquement élevés pour servir l’industrie textile. La spécialiste fait allusion à un manteau qu’elle a récemment aperçu dans une très pointue boutique parisienne, affublé d’une étiquette « chèvre », comme pour donner bonne conscience au futur acheteur.
Banalisés, les vêtements en fourrure ont repris une place de taille dans la mode. En porter relève aujourd’hui avant tout d’un choix éthique, plus qu’esthétique, au vu des nombreuses imitations tout aussi plaisantes et réalistes disponibles sur le marché. C’est sur ce point que réside peut-être le nouvel enjeu du déferlement auquel on risque d’assister dans quelques semaines: démeler le vrai du faux.
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