En une décennie, Fantastic Man a changé le visage de la presse masculine. A l’occasion de la sortie de l’ouvrage Fantastic Man: Men of Great Style and Substance, rencontre avec l’un des co-fondateurs du magazine, le néerlandais Gert Jonkers. Lorsqu’on le retrouve en plein coeur du quartier du marais, à côté des nouvelles boutiques Moncler et Givenchy, Gert […]
En une décennie, Fantastic Man a changé le visage de la presse masculine. A l’occasion de la sortie de l’ouvrage Fantastic Man: Men of Great Style and Substance, rencontre avec l’un des co-fondateurs du magazine, le néerlandais Gert Jonkers.
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Lorsqu’on le retrouve en plein coeur du quartier du marais, à côté des nouvelles boutiques Moncler et Givenchy, Gert Jonkers s’insurge : son spot préféré de magazines s’est vu balayer par une boutique The Kooples. Et il sait de quoi il parle: depuis dix ans, il co-édite Fantastic Man, semestriel seulement imprimé en 86 000 exemplaires devenu une référence dans la presse masculine. Et si Gert est aujourd’hui de court passage à Paris, -il revient tout juste d’un voyage de deux semaines à Séoul- c’est pour l’inauguration de son livre, Fantastic Man: Men of Great Style and Susbstance. Jop, son associé de longue date, encore dans l’Eurostar, arrivera juste à temps pour la soirée de lancement chez Colette.
Les débuts avec la création d’un fanzine gay
Jonkers débute sa carrière en tant que journaliste-critique dans la presse généraliste. En 1997 à Amsterdam, il tombe sur le graphiste Jop van Bennekom, et l’engage rapidement dans le magazine culturel BLVD, dans lequel il travaille alors. Au printemps 2001, les deux hommes créent le fanzine gay Butt, qui invente un ton. Dans ce mag imprimé en petit format et couleur papier toilette, les mecs prennent librement la parole à travers de très longues interviews et portraits. Le fanzine devient un étendard de la contre culture gay au début des années 2000. Pour « éviter de tomber dans le cliché » et de devenir trop mainstream, l’aventure Butt ralentit. Mais surtout, Gert et son associé se rendent compte qu’il n’existe alors que très peu de magazines « masculins et modernes à la fois » -c‘est à dire sans blondes peroxydées en couverture ou sans conseils débiles, à la Playboy ou FHM-. Le moment est donc venu pour les deux hommes de lancer Fantastic Man. Comme le fanzine, le magazine donne la parole à des hommes, acteurs, intellectuels, et designers de tous genres, tous les âges confondus. S’ils ne sont pas tous connus du grand public, ils sont tous talentueux. « Il faut qu’on les trouve fantastiques », plaisante Gert. Et ils sont nombreux: Erwan McGregor, Bret Easton Ellis, Olivier Zahm, Raf Simons… « Ce qu’on cherche, ce sont des hommes avec une histoire à raconter. Mais au moment où on s’y attend le moins. Les gens sont moins intéressants lorsqu’ils font la une de l’actu », décrète t-il. « On s’intéresse à des mecs avec un futur… Par exemple, on ne va pas se mettre à écrire quelque chose sur James Dean », plaisante t-il. En couv’ du dernier Fantastic Man, on retrouve l’acteur Kyle Maclachlan. Dans une ambiance froide, col roulé noir et larmes épaisses, celui qui incarne l’Agent Dale Cooper de la série Twin Peaks –la troisième saison est prévue pour 2017– apparaît troublant et intriguant.
Gert ne qualifie pas Fantastic Man, « Magazine sur les hommes fantastiques, fait par des hommes », de magazine de mode. Il préfère employer l’expression de« personal style magazine ». Mais à l’intérieur, les photos sont léchées, dignes des plus gros titres de mode. Pas étonnant: les deux éditeurs font régulièrement appel à leur amie néerlandaise Inez van Lamsweerde (souvent avec son mari Vinoodh), qui a préfacé une partie du livre. Cohérent, Gert suit sa ligne, insuffle sa rigueur et son sens de l’esthétique qu’il qualifie lui-même de très nordique. Pour capter les dernières tendances, mais aussi pour ne pas être constamment ensemble, Jop est basé à Londres, tandis que Gert a choisi de rester vivre à Amsterdam.
Avoir du style
Le dernier numéro consacre une série photo aux villages d’enfance des deux éditeurs, en rase campagne hollandaise. Un pays souvent méconnu mais qui, « en dépit de ses petites dimensions, a offert au monde de nombreuses choses : des peintures, des carottes, et Fantastic Man », souligne le texte d’accompagnement. « Un pays fier de son pragmatisme ». Comme les pays scandinaves, « nous avons le même sens de l’esthétique et du style nordiques », avance t-il. A tel point que depuis 2007, les équipes de COS (groupe H&M) sollicitent les deux hommes pour la réalisation de leurs très beaux numéros.
Avoir du style résulte avant tout de quelque chose de « très personnel » pour Gert. « La plus belle chose est lorsqu’une personne découvre que quelque chose lui va alors qu’elle ne s’y attendait pas ». Une question de goût plus que de tendances, en somme. Avant qu’il ne soit connu par toute la sphère mode et connu par un large public, en 2013, Gert et Jop mettent en avant le créateur Britannique JW Anderson: « Dès ses débuts, il challengeait beaucoup de clichés sur la façon dont les hommes étaient censés s’habiller ». Aujourd’hui, Gert se réjouit qu‘ »il se passe pas mal de choses cool dans la mode en ce moment », faisant allusion à la fièvre autour du label parisien Vetements, qu’il adore. Ou encore au lancement de la première collection masculine de Galliano pour Maison Margiela, prévue pour 2016. Fantastic Man a beau lui prendre beaucoup de temps, Gert entend toucher à tout.
« Je déteste le conformisme »
Lui qui dit ne pas aimer les diktats, que pense t-il des « 27 façons d’être un homme moderne », récemment établies par le New-York Times ? Exemple: « L’homme moderne ne portera jamais d’arme » (ce à quoi il acquiesce tout de suite) « Lire le New-York Times est sans doute la chose la plus moderne qui soit ». Après réflexion, ce qui prime pour être un un mec de 2015, c’est « d’éviter de coller aux clichés. Le conformisme est à l’opposé de la modernité ». Le pire serait de vouloir suivre de règles de vie, voire un life style en particulier. Un concept qu’il déteste. « Cela reviendrait à passer ses vacances à Saint-Tropez sur un yacht », explique-t-il. A l’image de son magazine, on l’aura deviné, Gert ne fait pas dans le luxe ostentatoire.
La suite? Continuer de développer Fantastic Man, mais aussi l’aventure The Gentlewoman, débutée en 2010 après de nombreuses demandes de lecteurs. « Seulement, on n’allait pas appeler le mag Fantastic Woman, ça aurait sonné un peu ridicule ». Cette « version féminine » met des femmes créatives et inspirantes en avant. Là encore, c’est une réussite. Comme si ce n’était pas assez, ce fan de littérature a récemment lancé avec Jop le saisonnier The Happy Reader, pour « célébrer le plaisir de lire ». Il aimerait peut-être toucher au cinéma… Mais il confie surtout avoir peut être « imaginé la paire de lunettes de soleil parfaite ». On garde les yeux grands ouverts.
Fantastic Man: Men of Great Style and Substance, éditions Phaidon, 39 euros
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