En vacances de Bloc Party, leur chanteur Kele Okereke se tourne en solo vers une electro hédoniste et jouissive. Mais qui est Kele ? Rencontre et écoute intégrale.
En couverture de l’édition printemps du fanzine branché homo Butt, Kele Okereke pose tout sourire, le cheveu ras, le muscle saillant, plein d’une nouvelle confiance, comme le clame le slogan de son Tshirt rose, “Trust me”. A l’intérieur, Kele souscrit au ton irrévérencieux du magazine et pose nu, dans sa douche, révélant un corps ultramusclé. Dans l’interview, il parle très ouvertement de sa vie personnelle, de Bloc Party et du long conflit qui l’a opposé à ses parents, des Nigérians très catholiques, concernant la reconnaissance de son homosexualité.
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“Nous avons assez parlé de sexe dans cette interview, explique Kele en guise de conclusion à son interlocuteur. Je voudrais donner ce magazine à ma mère, donc faisons en sorte que ça ne soit pas trop cru.” Symboliquement, et pour tout fan de la première heure de Bloc Party, la nouvelle sonne comme une petite révolution. “Assumé”, “souriant”, “ouvert” n’étaient guère des adjectifs qui collaient à la peau du mélancolique et torturé Kele, qui a chanté mieux que personne le Londres des années 2000, la solitude, la frustration et le sentiment d’être sans cesse dans la marge, de ne pas “faire partie”.
Mais si le coming out interpelle tant aujourd’hui, c’est qu’il est aussi et avant tout musical. Après presque une année de break avec son groupe, Kele sort ce mois-ci son premier album solo, The Boxer. Un disque qui tranche radicalement avec les derniers travaux du quatuor britannique : au placard les guitares, place aux samplers, aux synthés, au glam et à la dance-music. “J’ai commencé à l’enregistrer seul à Londres en 2009, explique-t- il en engloutissant un croissant. Je pensais m’accorder une année sabbatique, mais j’aime trop faire de la musique. Ce qui était un jeu a vite pris un tour très sérieux. J’ai réalisé que, si je me lançais dans ce projet, il fallait que je le fasse vraiment bien. Pour la première fois, c’était moi et moi seul. Je n’étais plus dans un groupe, plus obligé de faire des compromis.”
Les dernières années, la situation au sein de Bloc Party était devenue plus qu’orageuse. “C’était très passif-agressif entre nous”, explique Kele, qui assurait la majorité des compositions sur les derniers albums, les membres ne faisant plus que se croiser en studio. “Je n’éprouvais plus de plaisir à faire partie de Bloc Party, poursuit- il. Quand tu es dans un groupe à guitares à succès, tu comprends vite comment marchent le business et les médias. Ça m’a beaucoup déprimé, je ne m’y reconnaissais pas.”
Faut-il dès lors interpréter son virage électronique comme une envie de se fondre dans un genre qui a traditionnellement mis plus en avant la musique que les egos ? “Je crois au contraire que je ne me suis jamais autant montré qu’avec ce disque, dément-il. J’aime la pop, le fait que les gens s’attachent à une personnalité. Prince, Madonna, Bowie, aujourd’hui Lady Gaga. Je n’aime pas sa musique mais j’aime son idée d’être “bigger than life”, sa théâtralité. A la fin de Bloc Party, j’ai réalisé qu’il était impossible de développer sa vision du monde en com-pagnie de trois autres personnes.”
Aujourd’hui, l’avenir du groupe reste plus qu’incertain. “On verra”, commente- t-il laconiquement. Il réserve son entousiasme pour ce Boxer, qui lui a permis de retrouver une excitation à composer de la musique. “Quand je me suis retrouvé face à un ordinateur et des synthés, c’était comparable à la première fois que j’ai empoigné une guitare. J’adorais ne pas vraiment savoir comment jouer, être surpris par ce qui sortait, et parvenir à cause de ça à produire quelque chose d’assez pur.” Et d’extrêmement joyeux. On met quiconque au défi de trouver une once d’anxiété dans ce concentré d’énergie parfaitement calibré pour l’été, son insouciance et ses pistes de danse. Mis en orbite par Tenderoni, hymne hédoniste ravesque et monstre de puissance, le disque laisse peu de répit à son auditeur.
Il déploie à un rythme d’enfer tubes, morceaux d’inspiration 2-step (genre qu’il a écouté jeune dans l’Essex) ou carrément new-wave (Unholy Thoughts et sa basse chipée à New Order). Moins torturée, l’écriture s’est fait également plus intuitive, rythmique. Et surtout, paradoxe pour celui qui a répété pendant de longues années ne pas se sentir un sujet de Sa Majesté à part entière, Kele signe ici un disque qui musicalement s’inscrit à 100 % dans la tradition de la dance-music anglaise. Un signe d’apaisement, enfin ?
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