“Vois le bon côté des choses Ian, la situation n’est pas si merdique : tu pourrais être le putain de chanteur de The Fall.” Cette parole lénifiante du manager Rob Gretton à Ian Curtis dans Control aurait été écrite avant même que Sam Riley ne se présente à Anton Corbijn. Mais elle résonne avec une […]
“Vois le bon côté des choses Ian, la situation n’est pas si merdique : tu pourrais être le putain de chanteur de The Fall.” Cette parole lénifiante du manager Rob Gretton à Ian Curtis dans Control aurait été écrite avant même que Sam Riley ne se présente à Anton Corbijn. Mais elle résonne avec une carrière au cinéma débutée quelques années plus tôt lorsque le jeune Anglais avait prêté ses traits à Mark E. Smith, le temps d’une scène de 24 Hour Party People, amputée au montage. Il eût été regrettable que ce rendez-vous manqué avec le grand écran ne connaisse pas de lendemain, tant Sam Riley illumine Control. Presque trop beau, et trop brillant pour un film qui se pare sans cesse de l’humilité des reconstitutions fidèles, il prête son corps malingre à Ian Curtis avec une grâce et une exactitude que l’on n’aurait pas cru concevables. D’extatiques scènes de concert en détours dépressifs, Riley esquive le ridicule qui guettait l’entreprise mimétique et apprête pour le cinéma le plus beau Ian Curtis que l’on y ait vu avec une évidence qui augure le meilleur pour le très bel acteur auquel le film de Corbijn donne naissance.
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Entretien > Comment es-tu devenu Ian Curtis ?
Sam Riley – Je ne le suis jamais devenu. J’ai étudié ce qu’il était, ce qu’il faisait, j’ai essayé de trouver des ressemblances entre lui et moi, de saisir ce qui nous rapprochait et je me suis employé à aller au plus près de ce que j’avais compris de lui. Mais je ne crois pas être capable de jouer et penser en même temps. Les premières fois où j’ai tenté de jouer à Ian Curtis devant ma glace, c’était horrible. Alors j’ai essayé de me libérer, d’oublier qui j’étais, de ne jamais faire le même geste deux fois.
Tu avais auditionné au départ pour le rôle du batteur, Stephen Morris.
C’est plus compliqué. J’ai fait des essais pour incarner Morris dans 24 Hour Party People, mais la nuit précédente j’avais pris part à une bagarre à Leeds, et j’avais le visage tuméfié quand j’ai rencontré Winterbottom, le réalisateur. Il m’a dit que je ressemblais à Mark E. Smith de The Fall et m’a pris pour ce rôle. Mais cela ne m’a valu que deux heures sur le tournage et une scène finalement jetée au montage. Pour Control, je me suis rendu à un casting visant à recruter les musiciens de Joy Division. A l’une des dernières auditions, j’ai rencontré Anton, qui m’a demandé de ne pas couper mes cheveux. C’était un indice. Le jour de mes 26 ans, j’ai appris que j’avais décroché le rôle de Ian Curtis.
Qu’est-ce qui t’a poussé à postuler à un rôle dans ces deux films en particulier ?
Je ne suis pas de Manchester, j’ai grandi dans un petit village à côté de Leeds. Rien ne me destinait donc à me spécialiser dans les films sur le rock mancunien… (rires) Je me suis essayé au travail d’acteur quand j’étais adolescent. J’ai eu quelques rôles à la télévision, mais je n’aimais rien de ce métier. Ni les tournages ni les castings. J’ai laissé tomber. Et puis j’ai été rattrapé par la musique. Le groupe dont j’étais le chanteur, 10 000 Things, a été signé par un gros label, et nous avons passé trois ans sur la route, à donner des concerts en première partie de Razorlight, Babyshambles… Nous nous sommes bien amusés mais en voulant prendre les commandes de ce que nous faisions, le label a pourri le groupe, avant de le lâcher. Au final, nous avons tous dû retrouver nos boulots. Je travaillais dans un entrepôt lorsque je me suis dit que je préférais faire de la télé merdique que de continuer à m’embourber. On m’a parlé d’un film sur Joy Division. Je suis allé aux auditions.
Qu’est-ce que cela signifiait pour toi d’interpréter Curtis ?
Je n’étais pas un grand fan de Joy Division avant de tourner Control. J’avais leurs disques dans ma voiture. Je n’écoutais vraiment que Transmission, qui était la meilleure chanson pour conduire. Mon goût me portait plutôt vers la musique que Curtis écoutait que celle qu’il faisait, Lou Reed, Bowie, le rock des seventies. Je partais d’assez loin et j’ai dû faire des tonnes de recherches. J’ai visionné beaucoup de vidéos de concerts qui m’ont abasourdi, à la fois de par l’énergie que le groupe dégageait et par le jeu de scène désespéré et étrange de Curtis. Il a fallu énormément de travail pour que nous parvenions à retranscrire un peu de cela à l’écran, d’autant qu’Anton a voulu que nous interprétions les morceaux nous-mêmes. La pression était considérable, jusque sur le plateau : la plupart des figurants étaient d’énormes fans. Un type est venu me parler un jour pendant le tournage : “C’est toi qui fais Ian ? Je l’ai vu dix fois en concert, tu ferais bien d’être foutrement bon !”
A quoi te destines-tu à présent ? Plutôt le cinéma ou la musique ?
J’aimerais jouer encore au cinéma. J’adore ça et c’est mieux payé que le rock’n’roll. J’attends maintenant que quelque chose se présente à moi. On verra s’il y a d’autres réalisateurs pour faire confiance à l’acteur inconnu que je suis encore. Mais je ne cesserai jamais de faire de la musique. J’enregistre en ce moment un disque avec mon frère, que nous diffuserons sur internet, afin que chacun y ait accès et puisse en faire ce qu’il veut. Adolescent, je voulais désespérément devenir une rock-star, aujourd’hui ce n’est plus le cas.
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