Ce mois-ci, la librairie et galerie 0fr. célèbre ses 20 ans. Repaire pour les jeunes artistes et lieu de référence pour les passionnés de presse spécialisée, 0fr. c’est aussi plus de 300 expos, quelques 90 concerts en 20 ans et des signatures de livres chaque semaine. Alexandre Thumerelle, son co-fondateur, revient sur l’histoire de cette […]
Ce mois-ci, la librairie et galerie 0fr. célèbre ses 20 ans. Repaire pour les jeunes artistes et lieu de référence pour les passionnés de presse spécialisée, 0fr. c’est aussi plus de 300 expos, quelques 90 concerts en 20 ans et des signatures de livres chaque semaine. Alexandre Thumerelle, son co-fondateur, revient sur l’histoire de cette affaire de famille.
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Quelle est l’histoire d’0fr. ?
On a ouvert 0fr. – qui est l’acronyme d’Open Free and Ready – avec ma soeur Marie en 1996, avec l’envie de faire de l’édition. On a d’abord distribué nos propres magazines puis Dazed and Confused, I-D, WAD… Au total on est allé chercher plus de 400 titres à travers le monde, tous parlaient de musique, de mode et d’art, avec ce ton moderne qu’on n’avait pas l’habitude de voir en France. En 1998, on a monté une première librairie avec Kiliwatch puis on s’est installés rue Beaurepaire. En 20 ans, on a ouvert plus de 150 lieux 0fr. éphémères un peu partout dans le monde. Et puis on s’est dit que tout ça était un peu hystérique, alors on a tout fermé pour s’installer dans le Marais. Ici, on se concentre véritablement sur des expos et des éditions de qualité.
Vous avez beaucoup contribué au développement des magazines spécialisés. Comment avez vous procédé ?
En les éditant, en les diffusant et en trouvant des lieux adaptés à eux. On a monté un réseau de vente de plus d’une centaine de lieux dans Paris, notamment les musées. Il y a 20 ans, il n’y avait très peu de magazines et en très mauvais état. Purple avait seulement 2-3 annonceurs avant qu’on le distribue dans les kiosques, chez les disquaires, dans les boutiques de mode… En plus de ça, Olivier Zahm a fait un boulot magnifique. Donc en faisant du magazine à taille humaine, on a réussi à rendre ça professionnel.
Comment va l’édition papier aujourd’hui ?
Chez nous elle va super bien, il y a toujours des magazines de plus en plus qualitatifs qui sortent. Ils sont plus chers mais le prix est justifié car les sujets sont plus profonds, les interviews aussi, tout comme les shootings et le stylisme. Il y a une compétition très saine et très bénéfique entre ces magazines et tout le monde se démarque. Il faut inventer des choses, être singulier et ça j’adore.
Je vois que les librairies tendent un peu à disparaître, les lieux d’arts vendent de plus en plus de produits dérivés plutôt que des livres. Mais, pour moi qui n’abandonne pas le livre, ça se passe très bien car les gens sont toujours aussi curieux et éveillés.
Est ce que les magazines food prennent de plus en plus de place dans vos rayons ?
Le sujet est presque accessoire dans les magazines, le plus important c’est surtout la pertinence avec laquelle ils traitent leurs sujets. Un magazine food peut avoir un succès énorme, non pas parce qu’il est sur la bouffe mais parce qu’il est très bien fait. La question est de savoir : est ce que le traitement du sujet est original et embarque le lecteur ?
D’où vient le côté festif de votre librairie ? lors des d-signatures ça déborde sur le trottoir, les gens s’installent..
Je pense que l’histoire d’OFR c’est aussi ce qu’on reproduit. On a grandi dans une espèce de meute d’enfants avec des parents très libres qui nous balançaient chez la grand-mère. Aussi, j’étais au collège à Noisy-Le-Roi et là bas j’avais pour surveillant Christian Fevret, le fondateur des Inrocks. Je l’ai vu faire ce magazine quand j’étais en 4ème, on le voyait, entre deux perm’, taper des trucs à la machine. Ensuite il venait tester des articles sur nous et on était là « Nick Cave, c’est qui ce type ? ». C’est quand même incroyable, donc ça vient surement de notre enfance.
Vous avez aussi édité un magazine, Mon Amour. Comment est-il né ?
On a sorti le numéro 1 il y a 10 ans et depuis les publications sont aléatoires. J’ai fait les derniers numéros avec Paul Franco. Début novembre, il n’y avait plus personne dans Paris. Alors on est partis faire des portraits de gens qui restent debout, qui restent éveillés. On a monté le numéro 3 de Mon Amour en allant de bandes en bandes pour avoir ces portraits de jeunes. L’idée c’est de faire ça très free jazz, on calcule pas et puis on voit bien ce qui se passe. C’est vraiment une démarche poétique, c’est comme ça que les choses jolies arrivent. Pour notre anniversaire on a aussi publié un livre, This Is Our Music qui regroupe le travail de 21 artistes qui ont exposé chez nous durant ces 20 ans.
Est ce que depuis 20 ans vous trouvez que le métier de libraire s’est endurci ?
Tant que tu restes près de la jeunesse, il n’y a pas de problème. Quand tu es au cœur de la ville, tu es sans arrêt attaqué. On a édité le livre Bon Voyage, sur la Crète. Dans ce livre l’auteur dit « ces gens sont centenaires, ils sont vaillants parce qu’ils sont au combat ». Là-bas, les hommes sont dos au mur, ils boivent de l’alcool avec toi mais ils sont à l’affût. Alors moi, tant que le supermarché d’à côté viendra m’embêter le matin, je vais rester vaillant et on continuera d’inventer. Ma sœur et moi on est toujours émerveillés et enthousiastes, on se nourrit de ce qu’on vit et on a aucun regret, tout a été essayé jusqu’au bout. Maintenant, inconsciemment, on sent si nos idées vont marcher ou non. Et puis on a toujours prit des décisions très raisonnables, à la hauteur de nos moyens. Si un événement nous rapporte peu d’argent, c’est pas bien grave car derrière il y a 50 nouvelles idées. Finalement on est libres, on a toujours des choses qui nous font avancer, même après 20 ans.
La librairie 0fr. a désormais migré à la place de l’ancienne galerie 0fr., au 3 rue Paul Dubois, ouvert 7j/7
La grande Galerie d’exposition se trouve au 20 rue du petit Thouars, à quelques pas de la librairie.
Le Grand Studio (espace privé d’exposition, studio shooting, studio d’édition) se trouve au 21 rue des Filles du Calvaire, sur rendez-vous.
Et dans Le Lot, à Montvalent, une résidence d’artiste a vu le jour, y aura lieu un festival cet été.
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