Quelle différence entre la guerre en Irak et les autres conflits américains ?Il y a une différence fondamentale entre cette guerre atroce et celle du Vietnam : de l’Irak, nous autres Américains ne recevons que les images qui émanent de notre propre point de vue. C’est une guerre dont toutes les représentations ont été profondément […]
Quelle différence entre la guerre en Irak et les autres conflits américains ?
Il y a une différence fondamentale entre cette guerre atroce et celle du Vietnam : de l’Irak, nous autres Américains ne recevons que les images qui émanent de notre propre point de vue. C’est une guerre dont toutes les représentations ont été profondément revues, corrigées, révisées (“redacted”) par nos pouvoirs et nos médias.
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Pourquoi un film sur la guerre en Irak ?
L’inspiration m’est venue d’une bavure de la guerre en Irak. Des soldats avaient tué une famille irakienne et violé une jeune fille avant de l’immoler. Frappé par ce crime, j’ai fait des recherches sur internet autour de l’occupation américaine de l’Irak et d’autres incidents du même type. Et tout était là, toutes les sources imaginables pour mon film. Via des blogs, des journaux filmés, des récits de femmes de GI, les soldats y parlaient de l’occupation, de leurs conditions de vie, de leur opinion sur cette guerre, de leur rapport à leur travail et à l’ennemi, de leur désir univoque de rentrer chez eux. Autant de choses dont nous n’entendons jamais parler par les médias aux Etats-Unis. N’ayant jamais fait de film en HD, j’ai saisi l’occasion et décidé de retranscrire cette histoire de la façon la plus réaliste possible.
Vous utilisez des images inspirées par YouTube et par les caméras de surveillance. Pourquoi ce choix ?
Toutes les images de mon film sont les répliques d’autres que l’on peut voir sur internet. Cherchez sur YouTube “soldats en Irak”, “viol”, “meurtre” et vous trouverez tout. Mais vous ne les verrez jamais reproduites dans un média majeur aux Etats-Unis.
C’est le premier film à embrasser la génération internet avec le regard d’un cinéaste.
C’est une révélation pour moi de manipuler ces images et technologies nouvelles. Utiliser une caméra digitale tombait sous le sens, toutes les images de cette guerre et les sources imaginables sur le sujet SONT le produit du tout-numérique.
Qu’avez-vous essayé de produire avec ces sources ?
Montrer la guerre sous la forme d’une reconstitution fictionnelle tout en ayant recours aux images très réalistes des médias via lesquels les gens s’informent me permettait de mettre en lumière combien ces images sont manipulables. Comme un avertissement au public : ça a l’air vrai mais tout n’est que pure fabrication. Redacted fonctionne comme un flash info. Il fallait que tous les éléments du film paraissent trouvés, improvisés. Mais si la marque du regard du cinéaste s’estompe, il y a évidemment des choix formels forts dans chaque scène. Ce n’est pas parce que l’on recréait la vidéo d’un interrogatoire que l’on cessait de s’interroger sur la place de la caméra.
Que répondez-vous à la polémique qui dit que votre film ne fait que renverser le point de vue sur la guerre ?
Les informations véhiculées par les médias majoritaires aux Etats-Unis donnent une vision angélique de ce qui se passe en Irak. Pour s’en convaincre, il suffit de lire ce que les soldats écrivent sur leurs blogs, de regarder les vidéos qu’ils tournent et mettent en ligne sur internet.
Comment finance-t-on un tel film ?
Redacted a bénéficié d’argent essentiellement venu de structures indépendantes, du millionnaire Mark Cuban et de la chaîne HDNet. De la même façon, Dans la vallée d’Elah de Paul Haggis s’est monté presque uniquement sur des capitaux étrangers. On appelle ça des films hollywoodiens, mais c’est risible ! Ce sont des films dont Hollywood ne veut surtout pas entendre parler.
Le fait d’avoir réalisé Redacted ne risque-t-il donc pas de vous marginaliser ?
Evidemment non. Les producteurs ne s’intéressent qu’à une chose : l’argent. Et il est évident que ce film va marcher, parce qu’il n’a rien coûté et va générer du débat – ce qui est déjà le cas, alors qu’il a à peine été montré. Et même si je dois être attaqué, cette discussion est ce qui peut arriver de mieux au film : tout ce qui compte, c’est que ces images soient vues.
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