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Nous l’évoquions dans un précédent article, les mannequins hommes gagnent deux à dix fois moins que leurs homologues féminins. Sous bien d’autres aspects, le job est très différent selon qu’on appartient à l’un ou l’autre sexe. Quelles opportunités de carrière peut offrir aux hommes ce métier tant fantasmé ?
Côté homme, le mannequinat se pratique surtout en dilettante. « Le métier de mannequin est davantage un moyen d’arrondir ses fins de mois, explique Lala, de l’agence Marylin. Il y a beaucoup d’étudiants par exemple. » Nombreux s’adonnent à d’autres activités : ils sont photographes, comédiens, sportifs de haut niveau… Avec le développement de la mode masculine, le secteur a cependant tendance à se professionnaliser. Côté femme, le mannequinat représente une véritable opportunité de carrière, comme l’explique Frédéric Godart, sociologue spécialiste de la mode : « Le type de main d’œuvre n’est pas du tout le même. Dans beaucoup de professions, il y a moins d’occasions pour les femmes. Donc elles vont sur le mannequinat, à la recherche d’une carrière. »
Pas de pression pour les garçons
Les agences encouragent les hommes à ne pas se concentrer sur le mannequinat. « Quand on arrive, les bookers nous font un petit topo : ‘ça va être un petit bonus, il faut faire des études’, etc.« , témoigne Baptiste [les prénoms des mannequins ont été changés], jeune homme filiforme de 21 ans. « Mais quand ils veulent que tu fasses un truc, ils insistent. C’est un métier où il faut être très flexible. On peut savoir la veille ou le matin même si on est pris pour un job. D’où le mytho quand on nous dit de faire autre chose à côté. » Parce qu’ils ne jouent pas leur carrière, la pression est moindre pour les mannequins hommes. Contrairement aux femmes, pour qui « l’enjeu est crucial« , comme le raconte Baptiste. « Les hommes ont la réputation d’être plus cool, plus bavards. Ils vont avoir tendance à être potes entre eux. »
Pour nombre d’hommes, le mannequinat reste une phase : « Ils vont gagner de l’argent, apprécier le côté fun du boulot, puis arrêter au bout de deux ans« , explique le sociologue Frédéric Godart. Ceux qui percent dans le métier peuvent espérer une carrière plus longue que les femmes. Ces dernières connaissent leurs premiers contrats entre treize et seize ans : à vingt-six ans, leur carrière est terminée – à quelques exceptions près. Les hommes débutent leur carrière autour de dix-huit ans, et travaillent jusqu’à quarante-cinq.
« Tu peux te faire saquer du jour au lendemain »
Repérer une nouvelle tête – « new face » dans le jargon – et convaincre les clients d’en faire leur coqueluche du moment : tel est le défi permanent des agences. D’autant que les grandes marques ont toutes tendance à se copier. « Un casting director ou un client peut avoir une lubie pour toi, et tout à coup t’as plein de boulot. Mais tu ne sais pas combien de temps ça va durer. Tu peux te faire saquer du jour au lendemain« , explique Baptiste, qui a tout de suite décroché de gros contrats.
Beaucoup de jeunes mannequins se trouvent ainsi propulsés dans un monde d’argent et de fête. Alors qu’il vient tout juste de passer le bac, Thomas est repéré par une bookeuse d’une grande agence parisienne. Il travaille rapidement pour de grandes marques, à l’étranger notamment. « Tout à coup, à 17-18 ans, je gagnais plus que mes parents à eux deux, raconte-t-il. Au minimum 3 000 euros par mois. C’est beaucoup d’argent quand t’es jeune… du coup tu fais n’importe quoi. Plein de mannequins se font avoir par l’argent facile. Mais pour la plupart, c’est le truc éclair. »
Tous partagent ce sentiment d’avoir vécu dans une « bulle dorée« . Jusqu’à prendre la mesure d’une réalité extravagante. « Une fois, on m’a fait venir en Italie, en première classe, pour essayer une paire de chaussures pendant dix minutes, juste parce que je fais du 44. J’ai été payé 2000 euros, confie Thomas, un peu gêné. Tout le monde galère tellement. C’est aberrant, déconnecté de toute réalité. Comme ce job. »
Les « new face » disparaissent assez vite. Certains mannequins ne connaissent jamais ce début de carrière fulgurant, mais parviennent à « vivoter », parce qu’ils correspondent à une demande constante. Enfin, une poignée de mannequins parvient à s’imposer au fil du temps, en se construisant une notoriété. A 26 ans, Paul est probablement de ceux-là. « Plus t’avances en âge, moins il y a de concurrence« , note le jeune homme. Tout en soulignant que les mannequins qui gagnent le plus sont « ceux qui font les pubs pour les parfums« . Plus âgés, on peut les compter sur les doigts d’une main, et on les voit partout : ils squattent les couvertures de magazines, sont de toutes les publicités.
Anne Royer
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