Pour la troisième fois, Matt Damon sera l’espion Jason Bourne dans « La Vengeance dans la peau ». Avant-goût, et décryptage des précédents volets de la saga.
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Au commencement était Robert Ludlum…
Jason Bourne, espion moderne et mondialisé (le monde qu’il traverse dans ses films ressemble plus à un réseau de flux de personnes, d’informations, qu’à une enfilade de cartes postales), est à la base un produit des années 80. Il naît de l’imagination de l’écrivain britannique Robert Ludlum (1927-2001), prolifique auteur de pavés d’espionnage estivaux, qu’on trouve souvent entre les mains des voyageurs dans les salles d’attente d’aéroport ou dans les avions. Sa marque de fabrique : des conspirations internationales et des titres en anglais commençant invariablement par « The » (exemple : The Bourne Ultimatum, vo de La Vengeance dans la peau). Jason Bourne, avec son nom de vieux beau, fut déjà incarné pour les besoins d’un téléfilm (La Mémoire dans la Peau, 1988) par… ce vieux beau de Richard Chamberlain.
Un visage poupon pour Bourne au cinéma : Matt Damon
Son incarnation au cinéma en 2002 (La Mémoire dans la peau) diverge de sa source : là où le Bourne littéraire affronte le terroriste Carlos, le Bourne à l’écran est un tueur avec une conscience, hanté par les assassinats qu’il a commis. Brillante idée de casting : donner le rôle à Matt Damon, gueule juvénile d’ange idéaliste, dont c’était le premier rôle d’action. Pour lui, c’est un rôle ambigu à ajouter à ses intéressantes prestations de faux gentil dans Le Talenteux Mr Ripley, Les Infiltrés ou Raisons d’Etat. Derrière la caméra, Doug Liman (Mr et Mme Smith) vise et réussit un mélange d’action nerveuse et réaliste anti-James Bond, d’introspection et de paranoïa politique seventies.
Mauvaise conscience et spectaculaire
Suite oblige, La Mort dans la peau reprend la recette, cette fois sous la houlette de Paul Greengrass (Bloody Sunday, Vol 93) : adepte du documentaire, il injecte encore plus d’urgence à l’action (via le montage et la caméra à l’épaule), jusqu’à friser l’illisibilité. On ne comprend pas tout ce qui se passe à l’écran, mais cela n’empêche pas Greengrass de rempiler pour La Vengeance dans la peau, qui boucle (provisoirement ?) la trilogie et balade Bourne à la recherche de ses anciens employeurs entre Londres, Tanger et New York. Comme dans les volets précédents, le film pointe le prix à payer de la violence d’état. Pour citer Manchette, oui, il y a une position du tireur couché et elle est inconfortable. Ce qui n’exclut pas les morceaux de bravoure, comme une filature tendue à la gare de Waterloo ou une poursuite à pied dans et au-dessus du souk de Tanger.
Plus humain que Bond et Bauer
Jason Bourne partage les mêmes initiales que deux autres agents fictifs célèbres, James Bond et Jack Bauer (24). Trois pros qui reflètent leur temps (007 avec le récent Casino Royale, influencé par la sécheresse bournienne) : géopolitique confuse, traîtres dans tous les coins, fin justifiant les moyens (torture, libertés individuelles bafouées). Bourne est probablement le plus humain de tous, un individualiste forcené aspirant à la retraite et n’attaquant que si on le provoque : les deux autres JB sont des patriotes profondément masochistes et névrosés, qui persistent dans leur job parce qu’ils ne savent faire que ça.
La Vengeance dans la peau de Paul Greengrass (2007) – Avec Matt Damon, Julia Stiles, David Strathairn… En salle le 12 septembre.
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