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Depuis un an, Guillaume Gibault vend des slips 100% made in France emballés dans une bonne-dose d’humour et de savoir-faire. Portrait.
C’était en mars dernier, alors que la campagne présidentielle battait son plein. Une vidéo baptisée « Le changement de slip c’est maintenant ! », dans laquelle des hommes filmés en-dessous de la poitrine nous présentaient différents slips, faisait quelques vagues sur le Web et attirait notre attention sur une marque aussi étrange que son intitulé : Le Slip Français. Fin novembre, la marque réitérait son coup marketing en mettant en ligne une vidéo drôle et rétro mettant en scène une ménagère tout droit sortie des années cinquante – qui démontrait la supériorité du Slip Français.
Blague potache et vêtement ironique
Derrière ces vidéos virales se cache Guillaume Gibault. Ce jeune entrepreneur de 27 ans, qui a fait ses gammes à HEC, nous reçoit dans les locaux de sa toute jeune entreprise – elle a soufflé sa première bougie en septembre – aménagés tant bien que mal dans l’appartement de sa grand-mère. Oui, de sa grand-mère, dans le VIIe arrondissement de Paris. C’est donc au milieu d’un salon décoré dans un style chic et vieillot, non loin d’un métier à broder, qu’il nous explique que Le Slip Français est parti d’une blague entre potes. Un soir de 2011, Guillaume Gibault soutient à ses amis que le made in France est vendeur. Ces derniers le mettent au défi de commercialiser des slips avec pour seul argument de vente leur fabrication franco-française. Ni une ni deux il trouve une petite usine en Dordogne à laquelle il commande 600 slips. « Je suis allé les chercher en bagnole et je les ai vendus via un site Internet que j’avais monté » raconte-t-il. Mais pourquoi prolonger ce qui n’était au départ qu’une blague ? « J’avais un peu envie de revoir les 9000 euros que j’avais investis. Je me suis donc dit « je tente le coup !« » répond-il en riant.
Dès le départ, Guillaume Gibault s’amuse avec les codes de la Nation -le bleu, le blanc, le rouge, et la cocarde – et mise sur le potentiel humoristique du slip, baptisant ses créations « L’Intrépide », »Le Triomphant » ou encore « Le Vigoureux ». Des références qui sont au début perçues par certains comme nationalistes, surtout en pleine campagne électorale. Gibault s’en défend : « Le côté réac’ ne m’a pas traversé une seule seconde l’esprit. Il n’y a aucune intention politique là dedans. Nous on est dans OSS117 et les années 60. »
A l’approche des fêtes de fin d’année, il a décidé de vendre des coffrets de sous-vêtements assortis de deux boules de Noël (on vous laisse deviner l’allusion). Y-a-t-il une limite à la blague potache ? « On essaye d’être drôle sans tomber dans le « slip Jean-Marie Bigard, jaune devant marron derrière » » répond-il en riant. Mais il avoue que la limite est parfois difficile à trouver quand on invente un vêtement ironique « qui fait forcément sourire » comme il l’admet lui-même. Il se défend malgré tout de cibler une clientèle en particulier : « Ce n’est pas qu’un délire de bobos parisiens. On ne vend qu’à 35% de Parisiens ! On a une clientèle homo comme une clientèle de papys qui eux nous appellent par téléphone. On s’adresse à des gens différents. »
Facebook + Twitter = buzz
Et quoi de de mieux en 2012 pour s’adresser à un maximum de clients que de s’emparer des réseaux sociaux ? Guillaume Gibault n’a pas mis longtemps à saisir toute la puissance du buzz et de ses fidèles supports, Facebook et Twitter. « Ce n’est pas moi qui maîtrise le buzz, ce sont les autres marques qui ne savent pas le faire » assure-t-il, « On a une bonne idée, trois jours plus tard c’est parti.On ne se dit pas « dans six mois il faudra qu’on tente un buzz sur Facebook ».Il faut réagir dans l’instant. C’est notre force par rapport à des marques plus grosses que nous. » Mais l’entrepreneur va encore plus loin en ne vendant ses produits quasiment que sur Internet (exception faite de quelques pop-up stores). Un modèle 100% Web qu’il revendique. « Nous, on pense qu’il faut faire du made in France 2.0 Ce qui coûte cher c’est d‘entrer dans les circuits de distribution classique Si tu fabriques plein de produits et que tu les vends sur internet ça coûte moins cher. Ce qui coûte cher c’est d’avoir des boutiques et donc des marges à payer » explique-t-il.
Léon Flamme : l’héritage 100% français
Derrière le vernis rigolo du Slip Français se cache un réel amour de la fabrication artisanale et hexagonale, que Gibault n’est pas prêt de lâcher : « Ça coûte super cher de produire en France, c’est aussi plus long, mais nous on veut raconter l’histoire de cette usine posée au bord de la Dordogne avec ces ouvrières qui ont passé leur vie dans cette boite. On est dans l’artisanat, le savoir-faire. »
Sa petite entreprise tourne grâce à quinze ouvrières (qui ne travaillent avec lui que lorsqu’il y a des commandes), trois stagiaires (il prévoit d’en embaucher deux en janvier) et une entreprise d’une quinzaine de personnes qui stocke et envoie les commandes.
Son amour du beau travail, soigné et léché, il l’a hérité de son arrière-grand-père en même temps que la marque Léon Flam. Cette enseigne de bagagerie créée en 1922 à Paris disparaît en 1931, emportée par la crise. L’arrivée du nazisme contraint par la suite son aïeul, juif, à s’exiler aux Etats-Unis. Quatre-vingts et un ans plus tard, Guillaume Gibault tombe par hasard sur une photo du magasin et a un coup de foudre pour les lettres dorées L et F entrelacées « comme celles de Louis Vuitton » précise-t-il. Il décide de faire revivre la marque de son arrière-grand-père, sans aucune ironie cette fois-ci, mais avec la volonté de faire du bon travail pour se démarquer de la concurrence internationale. Il assure : « la meilleure façon de promouvoir le made in France c’est d’avoir des bonnes idées et d’être très fort dans ce qu’on fait . C’est à nous, marques françaises, d’être meilleures que les autres et de faire en sorte qu’on nous achète. Il ne faut pas inciter les consommateurs à nous acheter parce que c’est français. Tu n’as pas besoin de dire « acheter Louis Vuitton ou Hermès » ! »
Guillaume Gibault dresse des parallèles entre ses boîtes et les grandes marques, sans vraiment s’en rendre compte, avec la même assurance avec laquelle il déroule son histoire entrepreneuriale. De la même façon, il définit son nouveau projet, Monsieur Marcel, comme « un Colette sur Internet« , soit un concept-store en ligne via lequel il compte présenter et commercialiser des produits achetés au préalable. Où s’arrêtera-t-il ? « Il y a tellement de choses à faire, d’opportunité… il ne faut pas attendre. Dans un an ça sera trop tard ! » répond-il. Pas si étonnant donc qu’il cite Joseph Kessel, « un super mec qui a toujours été là dans les moments cruciaux de l’Histoire« , comme source d’inspiration. La lecture de son roman Les cavaliers puis de sa biographie auront constitué, pour le jeune homme alors âgé de 24 ans, « un déclic » : « Je me suis dit que j’allais faire quelque chose de différent dans ma vie » explique-t-il en souriant.
Carole Boinet
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