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Simultanément à la Fashion Week londonienne, le salon Pitti à Florence ouvrait le feu des tendances et des défilés homme automne-Hiver 2013 qui se dérouleront à Paris cette semaine. A retenir :un nouveau venu le suédois Eric Bjerkesjö, et le passage réussi des deux designers invités, Kenzo et Kistuné.
Dans les couloirs de la forteresse, l’énorme château-dédale où se tient le salon Pitti, certains l’ont mauvaise. Londres a en effet eu cette année le mauvais goût de lancer sa Fashion week ( gros buzz sur J.W Anderson) en même temps, détournant certains journalistes des premiers jours de la manifestation Florentine. Pour les marques et les acheteurs ( en majorité italiens et asiatiques), pas de doute, c’est néanmoins à Florence que ça se passe . « Pitti est le premier de la saison, avant Berlin et Paris explique Matthew, le commercial de chez Doc Martens, que l’on croise sur son stand. On y croise une clientèle asiatique et italienne que l’on ne trouvera pas ailleurs. En terme d’image il est également très important. »
Pointu, existant depuis plus de 20 ans, le Pitti reste en effet auréolé d’un savoir faire et d’une tradition concernant la mode masculin. Moins modeux ou hype que d’autres salons, il offre un large choix de marques des plus mainstream au plus pointues, des plus classiques au plus sportswear et délivre chaque année instantané des tendances et également de l’état du marché de la mode masculine. Pour tirer son épingle du jeu, dans ce dédale, un impératif : le placement. « C’est comme dans un diner, continue Matthew, il faut vraiment dealer avant à côté de qui tu seras placé. L’an dernier, on était à l’étage inférieur, au milieu de tailleurs italiens, une catastrophe. » Cette année Doc Martens a mieux préparé sa venue et se retrouve à quelques mètres de deux poids lourds de l’outdoor chic : Nigel Cabourne, la marque anglaise culte et Engineenred Garments, la marque américaine désignée par le génial Daiki Suzuki, qui s’est déplacé en personne, discute et serre les louches sur son stand. Né au Japon, le designer s’est installé il y a plus de vingt ans aux Usa. Depuis il poursuit sans relâche sa modernisation du vestiaire outdoor américain. «J’ai découvert le style américain via les films, quand je vivais encore au Japon. Pour moi il était synonyme de liberté. C’est devenu une obsession ». A son arrivée aux Etats Unis, Suzuki se met en tête de revenir aux fondamentaux. Internet n’existe pas encore à l’époque. Il faut donc se déplacer, et écumer les friperies de New York, du Maine. « A l’époque, les fripes n’étaient pas devenues à la mode, rapporte Suzuki. Cela ne coutait rien. Dès que je trouvais une pièce intéressante, je l’achetais et tentais de la comprendre et de la reproduire, en la modernisant. » Suzuki est un inconditionnel des vestes de travail et uniformes qui continuent d’inspirer ses collections. Pour la précision de leurs coupes et leur grande fonctionnalité, étroitement liées aux conditions de production et à l’époque dont elles proviennent. «J’ai trouvé certaines vestes d’ouvriers des années 1920 totalement incroyables. Chaque détail, poche correspond à un geste. La veste d’un ouvrier de la même usine trente ans plus tard, pendant les années 1950 et la production de masse n’aura plus rien à voir. Elle sera beaucoup plus simple. »
Pour sa dernière collection, Suzuki s’est inspiré d’un de ses nouveaux hobby, le surf. Sur son stand, il montre les nouveaux modèles de doudounes sans manches, aux imprimés fleuris japonisants. « C’est le genre de vêtement dont tu as besoin quand tu surfes dans les environs de New York, l’hiver. » Suzuki prône un design qui s’inspire de l’individu, de ses besoins et envies. « Je ne sais pas créer autrement, poursuit-il. J’ai besoin que les choses signifient quelque chose pour moi. C’est aussi une des raisons qui fait que je viens sur ce salon. J’aime rencontrer mes acheteurs, voir comment ils sont habillés, qui ils sont sont. Ce sont de grandes sources d’inspiration pour moi. Je crois aussi beaucoup à la transmission, à ces échanges. Peut être que l’un d’entre eux suivra un chemin similaire au mien. »
A l’espace Touch réservé aux jeunes créateurs, on s’arrête sur le stand de Flouzen, jeune marque française développée par Julie Rousselet. Il y a quatre ans, Julie, qui bosse alors chez Arte décide
de se lancer en ne fabriquant qu’une seule pièce : la cravate en cachemire. «Sans être fan de mode, j’étais toujours intéressée par les matières, explique Julie qui trouve ses cachemires en Italie, l’assemblage lui se fait à Maurice. Et l’idée de bâtir une marque pièce par pièce me plaisait aussi ». Séduite par la qualité, Kitsuné entame une collaboration avec elle il y a trois ans et donne une visibilité à Flouzen. Elle sera suivie par le très respecté Monocle de Tyler Brûlé. Sur son stand on découvre ainsi les nouvelles pièces 2013 : un oreiller de voyage en cachemire et des pulls. Les Cravates ont abandonné leur allure fine et rock pour s’autoriser un peu plus de largeur et d’ampleur.
Pour Julie, le Pitti est un moment important. « On voit énormément d’acheteurs, italiens en majorité. Les commandes ne se passent pas toujours ici, mais c’est une prise de contact très importante. On se revoir souvent ensuite. Le Pitti donne également l’occasion de croiser des gens qui seraient plus difficiles de voir à Paris, comme des acheteurs de grands magasins »
Au de là du salon et de ses découvertes, le Pitti vaut aussi pour ses défilés, qui donnent, avec Londres, le coup d’envoi de la saison masculine. Chaque année, la manifestation invite des designers ( Kenzo et Kitsuné cette année) et présente le travail de jeunes designers qui défilent pour la première fois. C’était le cas d’Eric Bjerkesjö.
Tension post rock et fétichisme chez Eric Bjerkesjö
Pour son premier défilé, le Suédois avait choisi la Villa Favard, une demeure qui insufflait dès l’arrivée une ambiance décadente et viscontienne, parfaite pour l’univers fétichiste et rigoriste du suédois. Issu de l’école de Polimoda, Bjerkesjö déroule un vestiaire noir et blanc et blanc, très minimal et élégant: pantalons noirs, chemises blanches et chaussures de son cru inspirées par le patin à glace. Une silhouette classique et familière au premier abord ( le show projetait, avec ses mannequins aux cheveux plaqués, la raie très marquée et ses vestes en satin noir à la fin des années 30), qui n’en demeurait pas moins fraiche et contemporaine. Après le show, Bjerkesjö expliquait que la principale inspiration de cette collection était l’île de FaRö, une petite île située dans la mer Baltique dont il est originaire et vit toujours. « C’est un endroit très minimal et noir et blanc, explique t-il, montrant des photos de paysages désertiques, surplombés de gros blocs de pierre sombres. Ingmar Bergman qui vivait dans cette île m’a lui aussi beaucoup inspiré.» Avant de devenir designer, Bjerkesjö était musicien. « Je chantais dans un groupe de post-rock. Je les ai plantés quand j’ai vraiment compris que je voulais devenir designer, vers 20 ans. » Son approche de la mode et du vêtement restent aujourd’hui pour lui très proche de celle de le musique. Il avait d’ailleurs avec son frère, composé la musique, martiale, répétitive et pleine de tension que l’on entendait pendant le défilé.« C’est vraiment la même chose pour moi, poursuit-il. Pour moi cette collection c’est du post-rock ! »
Nuages sportswear chez Kenzo
Kenzo, qui avait judicieusement renoncé aux palais florentins et jeté son dévolu sur le génial marché de la ville, le Mercado central ouvrait le feu avec brio. Maintenant le cap- celui de la modernisation de la marque, Carole Lim et Humberto Leon allaient cette fois chercher leur inspiration du côté de l’Asie et projetaient le tigre maison vers les cimes japonaises. Résultat : une collection céleste qui déclinait imprimés nuage, laines bouillies pastel et surtout réaffirmait son caractère sportswear mais chic, portable, très dans l’air du temps.
Concert 50’s et passage réussi pour Kistuné
Pourquoi choisir entre la musique et la mode ? Pour son premier défilé, la marque franco-japonaise , qui fête ses dix ans n’a pas dérogé à cette double casquette qui fonde son identité en substituant un concert au défilé classique et les musiciens aux mannequins . Dans le sublime Palazzo Capponi, on eut subitement la sensation d’être téléportés dans un show télé des années 50. En guise de catwalk, une scène avec micros, batteries, platines. Sur le côté, Loïc Prigent, intime de la maison, parle avec son équipe vidéo et règle les derniers détails près du travelling installé sur le côté gauche de la scène. Regards interrogateurs et amusés dans l’assistance. Surgit un couple de présentateurs japonais au look très années 50. Micro à la main, le homme joue les monsieur loyal et interroge l’assistance « D’où venez vous ? » « Et vous ? ». « Des acheteurs sont là ? N’oubliez pas que vous pouvez rendre Gildas et Masaya (les deux fondateurs de Kitsuné NDLR) très heureux en achetant beaucoup de Kitsuné ! ». Les trois Say Lou Lou, yeux haussés de rimmel, rouge vif aux lèvres et choucroutés à mort ouvrent le bal avec un titre langoureux et lynchien en diable. Les londoniens Citizens ! En costume gris maison et mocassins Weston enchainent avec leur irrésistible True Romance, entre rock et dancefloor. Yelle, ravissante en parka, combi short à rayures et weston bordeaux, fila la thématique et ferme ensuite avec l’Amour Parfait. Un nouveau titre très excitant qui mêle esthétique electro-pop 80 familière à la bretonne et inspirations trep et electro. Sortie prévue en février.
Outdoor expérimental chez White Mountaineering
Reboostée par ce shoot d’énergie positive, on se hâtait de monter dans un des bus Pitti pour rejoindre le show de White Mountaineering, à la station Leopolda, l’ancienne gare de la ville.
Depuis Plusieurs saisons, le label japonais fondé par Yozuka Aizama buzze dans la monde masculine. Ancien assistant de Junya Watanabe chez Comme des Garçons, le designer Yosuke Aizama a été un des premiers, avec ce label a anticiper la mode « montagne » qui a envahi les rues des capitales ces dernières saisons( pantalons courts, ici à mi-mollet, chaussures d’alpinisme, blousons techniques..). Très pointu, White Mountaineering impressionne par sa façon de mêler un savoir faire textile de haute technologie et son sens de la couture et du design. Pour cette saison 2013, le japonais creuse encore le sillon outdoor montagne et ne s’interdit pas grand chose. Imprimés ( parfois quatre ou cinq dans la même tenue), matières se mêlent sans complexe formant une silhouette moderne, confortable et aventureuse. A suivre.
Géraldine Sarratia
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